Un chasseur sachant chasser sans son chien
Samedi 14 juin 2025 à 07h
Cette semaine, Colette, l’une de nos fidèles lectrices, soumet à notre expertise un tableau représentant un chien : l’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cette œuvre.

Ce week-end, les amateurs de chasse se sont donné rendez-vous au Game Fair, qui se tient au Parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron. Fondé en 1981, ce festival est l’un des événements incontournables pour les passionnés de cynégétique. Ils y rencontrent les divers acteurs de ce milieu, notamment des éleveurs et dresseurs de chiens.
Il est justement question de chien de chasse avec l’objet de la semaine. Il s’agit d’une œuvre sur papier représentant un cocker noir et blanc vu de trois quarts, tenant dans sa gueule un lièvre qu’il vient de rapporter à son maître. On remarque également, en bas à droite, la signature du peintre lillois Léon Danchin.
La chasse à l’aide de chiens accompagne l’histoire de l’humanité depuis les premières civilisations, parallèlement à la domestication de cet animal. Certains rois anciens sont représentés avec leurs chiens, tels Khéops avec le lévrier Tesem, ou le chasseur d’Actéon dévoré par ses chiens. Pendant longtemps, la chasse a été à la fois une activité nourricière et un loisir permettant d’affirmer un statut social, notamment selon les espèces chassées. À partir de l’ordonnance de 1516, elle devient une pratique réservée à la noblesse, en particulier au roi. L’aristocratie s’est d’ailleurs souvent mise en scène avec ses chiens pour afficher son rang, comme c’est le cas dans le tableau Les Époux Andrews de Gainsborough. Le chien devient même sujet de portrait, comme dans les célèbres peintures de la meute royale par Jean-Baptiste Oudry pour le château de Fontainebleau ou, dans une veine plus réaliste, chez Rosa Bonheur. Traditionnellement, les chiens représentés étaient des chiens destinés à la chasse à courre, comme dans Misse et Turlu d’Oudry. Le chien figuré ici est un cocker, chien leveur, destiné à faire sortir le gibier pour que le chasseur puisse le tirer mais aussi chien rapporteur, qui ramène le gibier à son maître. La petite taille du cocker, qui lui permet de rentrer dans les terriers, et son flair prodigieux en font le compagnon idéal pour la chasse au petit gibier, notamment aux lièvres et aux bécasses. La reine Elisabeth II d’Angleterre pratiquait souvent la vénerie avec des cockers dans son domaine d'Abergeldie et on la disait capable de guider ses chiens uniquement à la voix dans les highlands écossais.
Léon Danchin (1887-1938) est un autre artiste passionné par les animaux et l’art cynégétique. Sculpteur à ses débuts, il se tourne vers l’art animalier après la Première Guerre mondiale et accède à la célébrité grâce à la diffusion de ses œuvres gravées par la Maison Devambez. Chasseur infatigable, il se spécialise dans les scènes de chasse, qu’il traite avec une grande attention aux détails et une sensibilité intimiste. Ses tableaux mettent fréquemment à l’honneur les chiens, compagnons indispensables de tout bon chasseur.
La présence d’une cuvette sur le pourtour de votre œuvre, Colette, et l’existence d’exemplaires identiques indiquent qu’il ne s’agit pas d’une œuvre originale mais d’une lithographie, répertoriée sous le titre « Cocker et lapin ». Certains exemplaires mentionnant un tirage limité à 500 copies, il faudrait décadrer la vôtre pour vérifier si elle est numérotée. Le cas échéant, on pourrait estimer sa valeur entre 60 et 80 euros : de quoi vous offrir deux billets d’entrée pour le château de Chambord, témoin des grandes chasses royales et partenaire du Game Fair 2025 !
