Bureau à caissons et gradin en marqueterie dite Yosegi
à riche décor de figures géométriques et motifs floraux stylisés. Le gradin, coiffé d'une corniche moulurée, ouvre en façade par neuf tiroirs, deux vantaux et deux portes coulissantes. Il surplombe un plan de travail coulissant. La partie inférieure comporte deux tiroirs et deux caissons avant reposant chacun sur une plinthe amovible. Boutons de tirage en bois tourné. Une plinthe signée.
Japon, époque Meiji, fin XIXe-début XXe.
Haut. 121, Larg. 97,5, Prof. 48 cm.
(petits accidents et manques).
Provenance : collection du cinéaste réalisateur René Clément (1913-1996),Monaco.
LA MARQUETERIE YOSEGI
À une centaine de kilomètres au sud de Tokyo se situe la petite ville d'Hakone.10e des Cinquante-trois Stations du Tokaido, elle est célèbre pour ses sources chaudes mais également pour un artisanat singulier, fruit d'un procédé complexe: la marqueterie Yosegi. Née à la fin de l'ère Edo (1603-1667), cette petite production est caractérisée par de savants motifs inspirés des broderies du kimono traditionnel, réalisée à partir d'une grande variété de bois. Ceci est rendu possible par l'importante diversité d'essences d'arbres que recèlent les montagnes de la région. Ornant dans un premier temps de petits ouvrages destinés aux voyageurs locaux, les ébénistes font bientôt face à un formidable engouement. Entre 1862 et 1912, le Japon vit une véritable révolution culturelle, sociale et politique : l'ère Meiji. Jusqu'alors, le pays est totalement renfermé sur lui-même. Nombre de pays occidentaux, les États-Unis en tête, font pression pour mettre un terme à cette politique d'isolement volontaire. Ils obtiennent, mais non sans mal, gain de cause en 1862. Les bouleversements touchent tous les domaines, sans exception : réforme de l'état, industrie, murs...L'ouverture du Japon au monde fait naître un tourisme international. Sous l'influence occidentale, cette marqueterie orne bientôt des meubles de plus grandes dimensions qui, d'un point de vue morphologique, n'ont plus grand chose de japonais. Le succès est immense, si bien que de tels meubles seront présentés aux Expositions Universelles de Vienne (1873), Philadelphie (1876) et Paris(1878). Ce bureau, de forme occidentale, reçoit une marqueterie inspirée des motifs qui ornent les kimonos depuis des siècles. Il est de ce fait une parfaite illustration du Japon de cette époque, écartelé entre modernité et tradition.
Notre pièce est à rapprocher de deux secrétaires à cylindre, l'un provenant de la collection de la vicomtesse de Courval (vente Sotheby's Paris, 25 mars 2014,n°116), l'autre passé en vente chez Zeller (Allemagne), le 13 juillet 2012 (n°2203).
Karl Benz