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L’ivresse de la musique

Samedi 21 juin 2025 à 07h

Cette semaine, Fabien, de Selles-sur-Cher, soumet une bouquetière à notre expertise. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cette céramique.



Le 21 juin, nous célébrons la Fête de la Musique. Cette tradition internationale, créée initialement par l’UNESCO en 1975, a été instaurée en France par Jack Lang en 1982. C’est l’occasion idéale de se réunir entre amis pour écouter des concerts de tous styles tout en partageant un verre– avec modération, bien sûr.

Il est justement question d’alcool et de musique avec l’objet de la semaine. Il s’agit d’une bouquetière en faïence en forme d’instrument de musique appartenant à la famille des cornemuses. Elle est décorée de deux nœuds bleus, en haut et en bas de la pièce. La partie centrale du décor représente une grappe de raisin sur fond de feuilles de vigne, encadrée dans une réserve. Le revers porte un monogramme "BD" sur une ancre, accompagné du numéro 3114.
Il s’agit de la marque de la faïencerie De Bruyn, fondée par Antoine Gustave De Bruyn en 1864. Originaire de Belgique, ce dernier a établi sa manufacture à Fives, en banlieue de Lille. Il y réalisa notamment des barbotines et des faïences d’art incluant des pièces de forme telles que jardinières, pots à eau, pots à tabac ou encore bouquetières. L’entreprise, qui a cessé son activité en 1962, puisait son inspiration dans les modes de l’époque, comme l’impressionnisme, le japonisme l’Art Nouveau ou encore le folklore local.

L’instrument représenté ici n’est sans doute pas une cornemuse au sens strict du terme, mais un instrument traditionnel du Nord de la France et de Belgique, connu sous différents noms : pipasseau, piposá, muchosá ou encore muzelzak. Appartenant à la même famille que le biniou breton ou le bagpipe écossais, cet instrument était fréquemment utilisé dans les musiques traditionnelles picardes et flamandes. Son usage avait décliné avant de connaître un regain d’intérêt dans les années 1960.

Le recours à l’image de la vigne peut être interprété de deux façons. Il pourrait d’abord s’agir d’un hommage au père du fondateur, qui se prénommait Dyonisius, du nom du dieu grec du vin. De plus, la musique est souvent associée à l’ivresse, notamment à travers les bacchanales, ces fêtes romaines mélant excès de boisson, chants et danses dans une forme d’ivresse collective, parfois même orgiaque. Cette thématique a d’ailleurs inspiré plusieurs opéras chez des compositeurs tels que Saint-Saëns, Ravel ou Wagner. La vigne se rattache ici naturellement à la musique et à ses excès festifs.
Votre bouquetière, Fabien, est en bon état malgré un petit éclat au revers. Toutefois, ces pièces ne sont pas très recherchées par les collectionneurs et ont fait l’objet d’une production relativement abondante. Il convient donc de rester prudent, quant à son estimation que l’on pourrait fixer autour de 20 à 30 euros. De quoi, vous offrir tout de même, une agréable soirée pour profiter des animations de la Fête de la Musique près de chez vous.
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