Sous l’égide de Mars
Samedi 08 novembre 2025 à 07h
Cette semaine, Alain de Civray-de-Touraine nous soumet une arbalète à notre expertise : l’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cette arme.

La résurgence des conflits en Europe, ainsi que les commémorations de l’Armistice de la Première Guerre mondiale et leurs cortèges de morts, viennent nous rappeler le prix de la guerre et l’importance de préserver la paix. La guerre est toujours une période d’innovation sur le plan militaire, notamment concernant l’emploi de certaines armes dont l’usage a perduré à travers les siècles — à l’image de l’arbalète encore utilisée durant la Grande Guerre mais aussi lors d’opérations spéciales sur les théâtres actuels. Cela démontre l’adaptabilité de cette arme, qui lui permet d’être toujours efficace aujourd’hui.
L’arbalète présentée cette semaine est une arbalète en bois équipée d’un arc en métal ainsi que d’un système de tour permettant son rechargement. Le tir se fait au moyen d’une queue de détente située sous le corps de bois, appelé arbrier. On note également des incrustations plus claires dans le bois, à des fins décoratives. La partie métallique arrondie à l’avant permet de placer le pied afin de la maintenir en place.
Il est difficile de dater précisément l’apparition de cette arme dérivée de l’arc. Les premières traces attestées remontent au Ve siècle avant Jésus-Christ, en Chine, durant la période des Royaumes combattants. On retrouve également des proto-arbalètes utilisées comme armes de siège comme la baliste mais aussi dans des contextes de chasse. L’utilisation de l’arbalète connaît son apogée durant le Moyen Âge. En effet, bien que théoriquement interdite par l’Église en 1139, cela n’empêche pas les rois de développer des corps d’arbalétriers dans leurs armées. Philippe Auguste ou encore Richard Cœur de Lion, qui mourra d’ailleurs d’un tir d’arbalète, en firent un usage stratégique. Ces arbalétriers deviennent alors des soldats d’élite, bien formés, bien équipés et bien payés. Ils disposent de leurs propres guildes et d’un grand maître, et se révèlent décisifs dans de nombreuses batailles, telles que Marignan ou Bouvines.
La forme de l’arbalète présentée ici correspond à celle de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. Les progrès métallurgiques permirent alors de remplacer l’arc autrefois en bois par un arc métallique bien plus puissant. Toutefois, cet élément nécessitait l’emploi d’un système mécanique pour tendre la corde, ce qui ralentissait le tir. L’usage militaire de l’arbalète déclina avec le développement des armes à feu portatives, mais elle resta en service beaucoup plus longtemps, notamment dans le domaine de la chasse. Même si elle est aujourd’hui interdite en France, les chasseurs peuvent toujours pratiquer la chasse à l’arc à l’instar de l’ancien ministre Marc Fesneau grand défenseur de cette activité.
En ce qui concerne votre arbalète, Alain, il s’agit sans doute d’une pièce du XIXe siècle, époque où le Moyen Âge revient en grâce. Toutefois, il serait préférable de pouvoir l’examiner de visu afin de le confirmer. On peut, pour l’heure, l’estimer entre 200 et 400 euros. De quoi nous rappeler qu’il vaut toujours mieux lancer des traits d’esprit que d’acier.
