Un soufflet de forge pour le Salon de l’Agriculture
Samedi 01 mars 2025 à 07h
Cette semaine, Dominique de Mareuil-sur-Cher, soumet à notre expertise un élément de forge de maréchal ferrant ; l’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet outil.

Durant la semaine qui vient de s’écouler, le monde rural a été mis en lumière à l’occasion du Salon International de l’Agriculture. Ce salon, fondé en 1964 sous sa forme actuelle est une opportunité pour les franciliens d’approcher les animaux mais également, de rencontrer les professionnels de différents secteurs : des agriculteurs bien sûr, mais aussi de découvrir des métiers chargés d’histoire, comme les maréchaux ferrant ou des forgerons. Ces derniers constituaient l’une des professions essentielles dans la France rurale jusqu’au début du siècle dernier. En effet, ils étaient nécessaires pour fabriquer et entretenir les outils mais aussi soigner les bêtes en particulier dans les campagnes reculées. Ainsi en région de montagne, les campagnards avaient aussi recours au maréchal ferrant pour arracher leurs dents. Ils avaient ainsi besoin d’outils pour fabriquer et ajuster les fers à cheval ou réparer les socs de charrue. Parmi les outils indispensables aux forgerons, on retrouve notamment le soufflet qui permet d’apporter assez d’air pour atteindre la température de près de 800 degrés nécessaire pour rendre le fer malléable et pouvoir ainsi le travailler. En effet, le fer se refroidissant rapidement et devenant cassant s’il est travaillé à froid, il était nécessaire que l’artisan puisse chauffer la pièce à forger avant de la frapper sur son enclume, et surtout, la réchauffer. L’opération de forge constitue donc une alternance de chauffe et de frappe donnant forme à l’objet désiré. Une fois la forme donnée à l’objet, l’artisan la réchauffait une dernière fois afin de lui donner la trempe qui confère à l’objet sa solidité finale. Cette dernière opération s’effectue en plongeant la pièce rouge retirée de la forge dans un bain d’huile pour en figer le grain et renforcer le métal.
L’objet de cette semaine est justement un soufflet de forge ; toutefois, il convient de noter sa forme particulière, assez éloignée du soufflet de forge traditionnel en bois et cuir. En effet, celui-ci semble être en fer, composé de deux cylindres, comme des boites de conserve. L’un est équipé d’un levier d’action au sommet et d’un contrepoids, tandis que l’autre comporte une sorte de tuyère en bas. Il s’agit ici d’un soufflet dit « à piston ». Avec ce système, l’air est compressé lors de la traction du levier puis maintenu dans l’un des cylindres avant d’être envoyé dans l’autre, puis dans la tuyère. Ce nouvel outil est apparu au cours du XIXe siècle et a remplacé le soufflet de cuir avant d’être lui-même remplacé par le ventilateur centrifuge fonctionnant à l’électricité. Nous sommes loin de l’image traditionnelle de Vulcain, le dieu artisan forgeant les éclairs de Jupiter ou les armes d’Enée.
Votre soufflet, Jacques, présente d’importants manques, notamment au niveau de la tuyère et des clapets, on note aussi des déformations et des oxydations. En l’état, votre soufflet ne présenterait qu’une valeur vénale très faible. Il faudrait donc vous rapprocher d’un musée des outils et métiers anciens, comme celui de Rouziers-de-Touraine dans l’arrondissement de Tours, afin de préserver un témoin de l’activité rurale française des siècles passés et contribuer à prolonger l’Histoire.