FR
EN

Mystère de la bassine baptistère …

Samedi 13 janvier 2024 à 07h

Cette semaine, Alain, de Villeherviers, nous propose une bien curieuse et importante bassine en bronze martelé. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de celle-ci.



Votre bassine parait bien mystérieuse, et n’est certainement pas un simple récipient domestique tel qu’une bassine à confiture ! Sa fonction est difficile à déterminer. Cependant, de par ses dimensions, avec son diamètre de 76 cm de circonférence sur 25 cm de profondeur, elle pourrait se rapprocher des cuves baptismales utilisées pour la célébration du baptême chrétien.

En cette période d’épiphanie, après le partage de la traditionnelle galette des rois, il convient de se rappeler qu’il s’agit aussi du moment où, dans la tradition chrétienne, Jésus se fit baptiser par saint Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain. Le baptême souvent donné lors de cette période est ainsi l’un des moments clés de la communauté chrétienne. Celui-ci se fait soit par aspersion, soit par effusion ou encore par immersion totale ou partielle. Cet acte constitue alors une seconde naissance pour la personne au sein de la communauté chrétienne ; il permet aussi d’être lavé de ses péchés et notamment du péché originel. Ce rituel est l’un des plus importants du christianisme. Il est l’un des seuls qui soient partagés entre les différentes fois catholique, orthodoxe et réformée. Il s’agit donc de l’un des moments clés de la vie des chrétiens, pour lequel on a construit un lieu que l’on appelle baptistère. Le baptistère de Saint Jean du Latran à Rome, construit sur demande de Constantin Ier au début du IVème siècle après JC en constitue ainsi une bonne illustration. Sa construction coïncide avec le moment où, le christianisme s’impose comme religion d’Etat au sein de l’Empire Romain. Ce type de bâtiment se retrouve en général, à proximité des cathédrales car, dans les premiers temps de l’expansion de cette foi, seul l’évêque pouvait procéder au baptême ; les curés n’étant habilités à baptiser leurs ouailles que depuis le VIIIème siècle.

La transformation des rites œcuméniques a engendré la transformation de ce sacrement : en effet, comme il pouvait être organisé dans toutes les églises, il était nécessaire d’y disposer de cuves pouvant contenir l’eau et procéder à l’immersion. Ce type de cuve est ainsi intimement lié aux moyens dont disposaient les paroisses. Certaines étaient créées dans des matériaux précieux tels que le métal doré ou l’argent et étaient parfois importées de l’étranger. Le meilleur exemple de ce type de cuve est sans doute le Baptistère de Saint Louis aujourd’hui conservé au musée du Louvre, dont les dimensions sont approximativement les mêmes que votre bassine. Il fut créé vers 1320-40 en territoire syro-égyptien alors sous domination mamelouke, très réputé pour le travail des métaux et notamment du laiton et des métaux précieux. Ainsi, malgré son origine islamique, il figurait déjà dans l’inventaire des biens de Charles V au XIVème siècle et servit de fonts baptismaux pour de nombreux souverains français, jusqu’au fils de Napoléon III en la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Cependant, le matériau composant ce type de cuve dépendait aussi des moyens de la paroisse le commandant ou de ceux des familles, qui pouvaient apporter leur propre cuve. On privilégiait donc l’usage de matériaux tels que le bronze et le laiton pour leur caractère inoxydable. Le décor et le caractère abouti du travail sont donc liés aux commanditaires de l’objet ainsi qu’à sa foi. En effet, les protestants, conformément à leur interprétation des textes, n’utilisaient que très peu les images, contrairement aux catholiques qui privilégiaient des décors plus fournis.

Votre bassine, Alain, est donc sans doute issue d’un travail d’art populaire, puisqu’elle ne comporte aucun décor à l’exception d’une frise végétale sur la bordure, et que l’artisan n’a pas poli l’objet pour en effacer les traces de marteau. Cela suggère que cette cuve est sans doute d’origine modeste, commandée par une famille protestante ou destinée à une petite église réformée. L’inscription gravée « Jean-Baptiste Vimond 1822» pourrait ainsi se référer soit à l’artisan qui a créé l’objet ou à la date et au nom d’un enfant qui fut baptisé et dont la famille a conservé la cuve baptismale.

Ce type d’objet est étonnant et intéressant du point de vue de l’histoire qu’il porte. Néanmoins, l’absence de décor et son travail populaire nous invitent à rester prudents sur son estimation. De fait, aux enchères publiques, son prix d’adjudication pourrait être compris entre 40 et 60 euros. Cependant, ce récipient en cuivre martelé a « servi » comme l’atteste les réparations avec les marques de soudure du métal. Cette somme peut paraître modique mais vous permettrait de vous offrir quelques galettes à partager en famille et couronner les nouveaux rois qui auront trouvé les fèves tant convoitées.
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :