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Les grands animaux en Sologne

Samedi 11 novembre 2023 à 07h

Cette semaine, Michelle, de Blois, nous propose une grande toile aux accents solognots. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet



À l’automne, la pluie fait son grand retour, mais aussi la chasse. Car après le brâme, c’est du bruit des volées de plomb et des cors sonnant l’hallali que s’emplissent les forêts. Et c’est bien le sujet de notre tableau : une rivière glisse lentement au milieu d’une épaisse forêt. Malgré les nuages épars, la soirée s’annonce plutôt douce et le soleil jette ses derniers rayons sur les arbres aux reflets automnaux. C’est le décor choisi par un cerf et sa biche, héros de notre composition, pour s’abreuver. La biche boit pendant que le cerf, attentif, est aux aguets. Ce paysage n’est pas sans rappeler les étendues de la Sologne, cette vaste région naturelle qui s’étend aux confins des départements du Cher, du Loiret et du Loir-et-Cher. Lieu de passage et de chasses royales, la Sologne est émaillée de châteaux et de domaines prestigieux, couvrant une période allant de Louis XII à Napoléon III. Aujourd’hui encore, les grandes fortunes de France et les locaux se retrouvent dans les bosquets pour taquiner le sanglier et, surtout, trouver le roi des forêts, le cerf, et ramener en trophée les impressionnants bois de l’animal.

Car il est peu d’animaux qui suscitent autant le respect que le cerf. Du Portugal à la Chine, en passant par l’Atlas, il est un symbole de force et d’élégance. Le « cerf sauvage évoque une liberté et une vigueur pénétrantes » disait l’écrivain avant-gardiste chinois Yu Dafu. Il est même parmi les premiers sujets de l’histoire de l’art, lui dont la silhouette orne les plus anciennes grottes décorées par nos ancêtres. Le Moyen-Âge donne au cerf une dimension christique, à l’image des représentations de Saint-Hubert, et nos lecteurs adeptes de véneries reconnaitront dans la mise à mort du cerf un sacrifice inspiré de la mort de Jésus. Après les tapisseries, les peintres et sculpteurs s’emparent de la figure du cerf et les œuvres représentant l’animal sont légion : le Trophée de chasse de Vélasquez, l’Hallali du cerf de Courbet, les cerfs de Pompon ou de Caïn, mais aussi au XXe siècle, le douanier Rousseau ou encore Frida Kahlo, sans parler des artistes contemporains qui reprennent la symbolique mystique du cerf pour passer un message écologique ou politique.

Votre tableau, chère Michelle, est spectaculaire par ses dimensions : 100 x 50 cm. Si le sujet est assez sympathique, nous ne sommes pas en présence d’une toile de maître. La signature en bas à droite du tableau nous indique que c’est l’œuvre d’une personne dénommée Martin. Malgré nos recherches, nous n’avons pu retrouver ce peintre avec certitude. Quoi qu’il en soit, malgré ses qualités, ce tableau au sujet courant et à la réalisation académique, n’est pas une pièce de musée. C’est pourquoi il pourrait trouver amateur aux enchères pour environ 30 euros. Pas une fortune, certes, mais suffisant pour s’offrir un ticket au musée de la Chasse et de la Nature et admirer les chefs d’œuvres animaliers et cynégétiques qui ornent les cimaises du vénérable hôtel de Guénégaud.
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