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De la faïence qui donne la pêche !

Samedi 18 novembre 2023 à 07h

Cette semaine, un couple de lecteurs, soumet à notre expertise un service en faïence. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



« Retournons les objets ! » Telle pourrait être la devise de ce trésor, car le dos nous en dit souvent autant, voire davantage, que la face. Trois marques sont apposées sous chaque pièce du service à poisson de nos lecteurs : une en creux, une autre à la main en rouge et une dernière en noir, sous la forme d’un cachet. La première fait référence à la forme, la seconde est celle de l’artisan ayant réalisé le décor, la dernière précise la manufacture à l’origine de la fabrication. Si « MP » et « SM » sont deux décorateurs demeurant anonymes, car signant de leurs simples initiales, la fabrique est en revanche immédiatement identifiable : Gien. Écrit en toutes lettres sous le dessin du château, nous pouvons grâce à elle dater avec une relative précision la période de création. Cette marque est effectivement utilisée entre 1960 et 1971, ce qui correspond à la période à laquelle nos lecteurs ont reçu le service.

Apprécions son décor également ! Relativement simple, il se compose dans le creux de chaque pièce d’une guirlande de poissons stylisés, parés de vaguelettes, croisillons ou petites taches. « Simple is better » ! Par ce motif, Gien s’inscrit dans la création contemporaine des années 50 et 60, à l’instar d’autres céramistes comme Roger Capron ou Roger Picault, qui réinterprètent chacun les décors aux poissons. S’inscrire dans la modernité est une question de survie pour la manufacture, qui subit de plein fouet la concurrence des produits étrangers à bas coût … Ils auront raison d’elle en 1980, la contraignant à se restructurer.

La Manufacture de Gien se présente comme un véritable caméléon, s’adaptant aux modes de toutes les décennies. Elle naît en 1821 à l’initiative de Thomas Hall. D’origine anglaise, il décide d’acquérir l’enclos et les bâtiments du couvent des Minimes, au bord de la Loire, pour y établir une manufacture de faïence. A Gien, il profite des matières premières locales et de la proximité avec les forêts d’Orléans, dont le bois est nécessaire à l’alimentation des fours. Si les premières pièces « à thème » correspondent au goût de l’époque, l’âge d’or de la fabrique s’étend de 1851 à 1914. De Napoléon III à la Grande Guerre, les décors sont inspirés des centres faïenciers les plus recherchés, tels que Marseille ou Rouen. Ils s’inscrivent ainsi dans les mouvements néo-Renaissance, néo-Antique, voire orientalistes, qui sont les plus recherchés par les amateurs.

Composé de douze assiettes et d’un grand plat oblong, le service de nos lecteurs peut servir en toute occasion. Semblant en bon état, et avec un décor donnant la pêche (aux poissons), il peut être estimé autour de 50 à 80 €. Juste assez pour prendre le large le temps d’une journée.
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