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Un jouet pour la rentrée

Samedi 04 novembre 2023 à 07h

En ce dernier weekend des vacances, Bernard, de Vendôme, soumet à l’expertise d’Aymeric Rouillac un bilboquet. L’occasion pour notre commissaire-priseur de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



« Si je retournais dans le monde, j'aurais toujours dans ma poche un bilboquet, et j'en jouerais toute la journée pour me dispenser de parler quand je n'aurais rien à dire. » Ces mots, tirés des Confessions de Rousseau, illustrent la place importante laissée, par les philosophes eux-mêmes, à l’amusement et à la distraction. Les jeux et jouets ont toujours suivi les modes, bien souvent dictées par la Cour sous l’Ancien Régime. Dans le cas du bilboquet, c’est le roi Henri III qui en était passionné. Selon les sources, l’année 1585 voit le roi de France jouer à toutes heures avec son bilboquet, qu’il emmène partout. La fièvre de ce jeu d’adresse gagne la longue suite de ses mignons, puis la Cour entière, et enfin le peuple s’y met aussi, particulièrement les jeunes enfants. Il faut dire que le principe globalement assez simple du bilboquet - il s’agit, rappelons-le, de lancer en l’air une boule de bois retenue à un manche par une cordelette et de la rattraper avec ce manche - en fait un parfait compagnon de jeu pour petits et grands.

Si le bilboquet tel que nous le connaissons aujourd’hui a été inventé en France au XVIe siècle, des jeux d’adresse similaires sont présents depuis des millénaires sur tous les continents. Ainsi, on retrouve des variantes au Japon où le kendama est très populaire, en Amérique latine, en Inde, ou même en Suisse, où, par probable esprit de contradiction, le joueur doit faire entrer le bâtonnet en tenant la boule et non l’inverse. Mais au fait, d’où vient le terme « bilboquet » ? A ce sujet, les sources étymologiques divergent. Rabelais, dans son Gargantua, le nomme bille bouquet, bille désignant le bâton de bois et non le contraire. Une autre source ferait remonter ce terme à une association de mots d’origines gauloises ou franques, toujours sur le thème de boule, bâton et bois. Quoi qu’il en soit, le bilboquet tombe en disgrâce sous Louis XIII, mais revient ensuite à la mode lors du règne du roi Soleil. Au XVIIIe siècle, le bilboquet est représenté dans les arts, et de nombreux tableaux, dessins, gravures, montrent des enfants ou des élégantes s’amusant avec ce jeu. Jusqu’à aujourd’hui, le succès du bilboquet ne s’était pas estompé. Hélas, au court du XXe siècle, et encore plus au XXIe, les jeux d’adresse ont en effet été remplacés dans le cœur des enfants par le clignotement épileptique d’un écran de télévision ou de téléphone.

Parfois conçu en bois précieux, ou même en ivoire pour les joueurs les plus aisés, le bilboquet a été dérivé de sa simplicité originelle pour atteindre parfois le statut d’œuvre d’art. Par exemple, deux bilboquets aux motifs royaux du XVIIe siècle ont agité les enchères à Drouot en 2020, atteignant respectivement 13 000 et 34 000 € ! Ce ne sera malheureusement pas le cas de votre bilboquet, cher Bernard, car le vôtre est de fabrication plus récente, datant probablement de la seconde moitié du XIXe siècle. Le manche est de forme balustre et la boule est percée de 13 trous, variante du jeu classique permettant de corser la partie en attribuant un nombre de point différents par orifice. L’ensemble est en bon état et pourrait trouver amateur aux enchères autour de 10 euros. Une somme bien modeste pour perpétuer une tradition d’amusement ancestrale… et royale !
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