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Des balades insolites pour des vacances royales

Samedi 29 juillet 2023 à 07h

Un fidèle lecteur solognot nous propose cette semaine une étrange carte. Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous en dit plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



S’agit-il d’une carte militaire, d’une carte routière ou d’une carte au trésor ? Cher lecteur de Sologne, le sujet devrait vous plaire car il s’agit d’une carte forestière, plus précisément des parcelles du parc de Chambord et de la forêt de Boulogne ! Probablement d’une soixantaine de centimètres de côté, votre plan tire une diagonale de Saint-Dyé à Neuvy. Nous voyageons de la Loire à la Sologne des Étangs, en passant par le château de Chambord. Prenons donc un peu de hauteur ! Si pour Napoléon, la géographie, ça ne sert pas qu'à faire la guerre, les cartes, de par leur promesse de territoires à découvrir, ont toujours fasciné les hommes. Du portulan des explorateurs de la Renaissance, sorte de carte de navigation richement décorée d’or et de couleurs, à nos cartes interactives du cosmos, les hommes n’ont eu de cesse de quadriller, cartographier…

Votre plan illustre principalement le majestueux parc de Chambord, grand comme Paris et entièrement clos d’un mur en pierre. La construction du mur d'enceinte de 32 km de long, percé de six portes, commence dès 1542. Ce mur, clairement visible sur votre carte, n’avait pas de véritable rôle défensif : sa fonction première était bien de créer une réserve de chasse ! À cette époque, le loup était très présent dans la région, sans parler du braconnage intensif… Le mur permettait à la fois de garder le gibier et de le protéger des prédateurs… Raboliot n’avait qu’à bien se tenir !

Mais s’agit-il d’un plan contemporain du règne de François Ier ou plutôt de Maurice Genevoix ? Votre carte ne correspond malheureusement pas à une production de la Renaissance. Rarissimes, celles-ci sont toujours richement décorées. Néanmoins, la manière d’écrire « Dhuison » avec un « S » à la place du « Z » lance des pistes. Le « S » était en effet d’usage au XVIIIe siècle… Enfin, la typographie et la manière d’écrire nous laissent à penser qu’il s’agit d’un plan sur papier calque du début du XXe siècle. Un examen physique nous permettrait de voir si votre exemplaire est authentique ou s’il s'agit d'une simple impression.

Ce qui est certain, c’est que votre plan n’est plus à jour ! Nous devrions voir aujourd’hui, au niveau de la façade nord du château, les spectaculaires jardins à la française imaginés sous Louis XIV et restaurés à l'identique en 2017. Depuis 1930, l’État est officiellement propriétaire du domaine de Chambord et n’a cessé de réaliser des aménagements. Le patrimoine forestier a toujours été un enjeu pour la France. Mais c’est véritablement à la suite de la Révolution, avec la création de forêts domaniales, que ces massifs sont devenus des espaces clés pour les citoyens. Les cartes forestières sont au fil des années devenues des documents très populaires car ils aident chacun à se repérer lors de randonnées… que ce soit dans les allées ouvertes du parc de Chambord, qui compte 5 440 ha, ou sur le reste du territoire français, couvert par plus de 16 millions d’hectares de forêt. L’IGN a la charge de décrire cet immense espace et pour ce faire, a dû mettre en œuvre des moyens modernes. Les cartes ne se font désormais plus à l’aide d’une plume et d’encre mais à l’aide de satellites et d’ordinateurs !

Ainsi, votre carte s’inscrit dans un long processus de cartographie et témoigne d’un basculement entre espace privé et espace ouvert. Compte tenu de l’intérêt historique de cette carte de belles dimensions, mais hélas froissée et tachée, nous pourrions articuler un prix autour de 50 euros… Pas de quoi mener la vie de château, mais suffisamment pour s’offrir un pique-nique dans le parc de Chambord et profiter de vacances royales !
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