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Friandises ducales

Samedi 07 mai 2016

Cette semaine, Antoine nous fait parvenir la photographie d’un objet qui l’intrigue. Notre commissaire-priseur Aymeric Rouillac nous révèle les secrets de ce « trésor » bien de chez nous.

Effectivement, nos lecteurs blésois auront tout de suite reconnu « leur » faïence ! Logis royal qui accueillit sept rois et dix reines entre les XIIIe et XVIIe siècle, Blois renoue avec la gloire pendant la seconde moitié du XIXe siècle avec sa faïencerie. A l’origine de cette « renaissance-renaissante », un personnage qui semble tout droit sorti de l’Odyssée d’Homère : UlysseBesnard (1826-1899) dit Ulysse. Peintre originaire de Blois alors âgé de 36 ans, il s’improvise céramiste à l’occasion… d’un bal. Chargé de la décoration ,il décide en effet de peindre lui-même des plats à l’imitation de Rouen, Nevers ou Delft. Et il fait mouche !

Fort de ce succès, il se prend au jeu de la terre et du feu et décide en 1862 de fabriquer des faïences directement inspirées des majoliques italiennes qu’il décline en objets usuels comme des cendriers, des pichets, des vases… ou en œuvres d’exception dont vous pouvez découvrir plusieurs exemples au château de Blois. Loin des pièces uniques renaissantes, c’est une véritable industrie qui voit le jour dans la vallée de la Loire au XIXe : en quatorze ans, 16 000 pièces sortent de la fabrique ! Deux fidèles apprentis succèderont à Ulysse à la tête de la fabrique : Emile Balon (1859-1929) à partir de 1886 puis Gaston Bruneau (1881-1965) entre 1929 et 1953, année de sa fermeture. Véritable passionné, ce dernier continuera à en produire jusqu’à sa mort et avec lui disparaîtra cette fabrication pittoresque.

Grâce à la marque au revers de l’objet qu’Antoine a photographiée, nous pouvons l’attribuer à Gaston Bruneau. Le décor est caractéristique de sa main : sur le couvercle de la bonbonnière à fond bleu-vert turquoise, une hermine surmontée d’une couronne tandis que la panse est ornée des armes de Bretagne et d’une devise :« A ma vie ». L’animal aura tôt fait de vous mettre la puce àl’oreille… il s’agit de la devise de l’Ordre de l’Hermine, fondé à la fin duXIVe siècle. Les habitués du château de Blois reconnaitront l’animal, emblème de la duchesse Anne de Bretagne, présent sur la cheminée et le plafond. La légende rapporte qu’elle choisit cette emblème après avoir aperçu lors d’une partie de chasse à l’hermine blanche, l’animal cerné près d’une mare, se sacrifier aux chasseurs plutôt de salir son blanc pelage. Il y a deux ans, une exposition organisée au château de Blois célébrait le cinq centième anniversaire de la mort de la duchesse, où certains d’entre vous ont pu découvrir « Le cœur d’or », chef d’œuvre d’orfèvrerie, destiné à contenir le cœur d’Anne de Bretagne, qui avait exceptionnellement quitté Nantes pour l’occasion.

Bruneau n’ayant pas pris l’habitude d’apposer une date sur ses créations, on ne peut dater la bonbonnière d’Antoine plus précisément qu’entre 1929 et 1953. Après un succès international à la fin du XIXe siècle, la faïence de Blois n’est plus guère collectionnée aujourd’hui que par quelques Blésois. Le « trésor » de notre lecteur, dont le couvercle semble en outre partiellement cassé, pourrait ainsi être estimé à une vingtaine d’euros... Un modeste prix pour de nobles gourmandises.
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