Rien que pour vos yeux

Cette semaine, Marie-Claire, de Villefranche-sur-Cher, fait parvenir à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, la photographie de « 3 boîtes d’essai optique » pour lesquelles elle souhaite une estimation. Elle a déjà mené une partie de l’enquête en les montrant à son opticien qui les date du XIXe siècle.

Vous êtes probablement nombreux, chers lecteurs, à avoir posé vos lunettes sur le bout de votre nez pour pouvoir lire cet article. La moitié des Européens a d’ailleurs déjà porté une paire de lunettes. Vous vous doutez bien que les pathologies liées aux yeux inquiètent les hommes depuis la nuit des temps. Un papyrus égyptien vieux de près de 4 000 années traite d’ailleurs ce sujet, évoquant même les premières chirurgies de la cataracte. Celles-ci restent néanmoins tout aussi anecdotiques que risquées... Les civilisations antiques préfèrent d’ailleurs l’emploi de baumes et collyres à base de plantes pour soigner les problèmes de vue.
Il faut attendre le XIIIe siècle pour que certains nez chaussent des bésicles.Elles sont inventées en Italie pour le plus grand soulagement des moines copistes. Il serait exagéré de parler de verres correctifs. En effet, les premières lunettes sont des loupes de forme ronde enchâssées dans un encadrement de cuir. Elles ne soulagent que la vision de près.
Lorsque Gutenberg invente l’imprimerie en 1454, il favorise une plus large diffusion des ouvrages… et des lorgnons ! N’étant plus portés uniquement dans les monastères, ils se font plus élégants et l’on fait appel à de nobles matériaux comme l’écaille de tortue, l’ivoire ou les bois précieux pour leur confection. La vision caricaturale de l’intello « binoclard » date de cette époque ou porter des lunettes signifiait que l’on savait lire… ou que l’on voulait le faire croire.
De la même façon, il n’est pas rare de nos jours que certains portent ce « dispositif médical » comme un simple accessoire de mode. Eh bien figurez-vous qu’il se passait la même chose à la Cour d’Espagne au début du XVIIe siècle ! Elles donnaient de la gravité au personnage tout en le faisant passer pour un savant. Aussi, plus votre rang était élevé, plus vos verres devaient être grands !
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des branches poussent sur le côté des lorgnons mais s’arrêtent aux tempes ; port de la perruque oblige. Le XIXe siècle donne naissance à des lunettes plus légères, plus pratiques et, suivant les progrès de la médecine, de mieux en mieux adaptées à chaque personne, et à ses déficiences visuelles.
Les boîtes de notre lectrice contiennent chacune un modèle d’ophtalmoscope, appareil destiné à ausculter la pupille, et ses accessoires. Ils datent du début du XXe siècle – au mieux de la fin du XIXe - et ont d’ailleurs pour but de diagnostiquer au mieux les maux dont souffrent les yeux du patient. Ils proviennent vraisemblablement d’une honorable maison : « Optique Médical E.Peuchot » à Paris, sans plus de précisions. Les boîtes semblent malheureusement incomplètes et les accessoires, dépourvus d’esthétique et de matériaux rares, ne séduiront que les initiés ou collectionneurs pour 30 € l’ensemble. Tentez votre chance du côté du Musée de la Lunette situé à Morez, dans le Jura ; vous verrez bien !