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Le courage des fusillés face à l'Histoire

Samedi 09 avril 2016

Cette semaine le commissaire-priseur Aymeric Rouillac répond à Patrick à propos d’une petite statuette d’une dizaine de centimètres en bronze.

Six hommes face à la mort. Voici ce que cette statuette en bronze d’une dizaine de centimètres de haut illustre. Nus, dépouillés de tout vêtement, ils ne faiblissent pourtant pas. Au contraire, ils font massent, s’épaulent, se soutiennent, statiques,… prêts à affronter l’ennemi et leur destin. Ce dernier, invisible, est pourtant suggéré, en arrière-plan, par ce qui semble être un poteau d’exécution. Dépassant de quelques centimètres le plus grand des individus, il annonce l’issue fatale. À l’avant plan, sur la droite, l’un de ces hommes semble avoir déjà été touché. Ses genoux légèrement fléchis, ses épaules baissées et son regard suppliant tourné vers le ciel trahissent sa détresse.

L’Histoire offre de nombreux épisodes où des hommes sont livrés à un peloton d’exécution, suscitant la sensibilité d’artistes.L’Espagnol Goya dans sa toile du Tresde Mayo en 1814 montre l’émotion d’un homme qu’exécutent les troupes napoléoniennes. Le sculpteur Rodin montre, lui, en 1895 avec ses Bourgeois de Calais le drame des populations civiles prises en otage. C’est le sens aussi du monument des Fusillés de Lille de 1915 lors de la Première guerre mondiale. Dans les années 1930, le photographe américain Robert - auquel est consacrée actuellement une exposition à Tours - immortalise la chute d’un républicain espagnol sous les balles de l’armée franquiste.

Notre groupe fait probablement référence à un épisode non identifié du second conflit mondial. Ces hommes au torses nus et au bras musclés, pris dans un mouvement collectif, pourraient parfaitement illustrer le courage des résistants face à la barbarie nazie. Après la guerre, différents artistes comme le Français Jean Fautrier en France ou l’Allemand Anselm Kieffer ont extériorisé les sentiments de vide, de culpabilité et de douleur qui ont envahi une grande partie des peuples européens. Ces derniers ont pris le parti de l’expressionisme voire de l’abstraction en esquissant des visages torturés et des paysages désertiques.

Le créateur de cette statuette s’inscrit dans la tradition figurative, mais efface les individualités des fusillés au profit de leur action de groupe. Cet anonymat permet au spectateur de s’identifier plus facilement aux martyrs, tout en rendant l’œuvre intemporelle. Il pourrait ainsi s’agir d’une ébauche pour un monument aux victimes communistes, dont le parti se présentait comme celui des 75.000 fusillés. Malheureusement cette petite statuette, qui est en bronze ou en régule n’est pas signée. S’agit-ild’une pièce unique ou d’un modèle pou rune œuvre plus importante ? Son prix varierait alors de 20 € à 2.000 €… Quoiqu’il en soit, le prix d’une telle œuvre reste dérisoire face aux drames de l’Histoire.
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