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Chapeau pour le médaillon

Samedi 02 avril 2016

Cette semaine, Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, éclaire la lanterne de Jordan, de Salbris, au sujet d’un médaillon acheté comme « datant de Marie-Antoinette ».

La personne auprès de qui notre lecteur a acquis cet objet mesurant 6,3 x 5,5 cm ne lui a pas caché que ce portrait, nommé miniature, était une reproduction. En revanche elle lui a certifié que le cadre était d’époque Louis XVI, c’est-à-dire de la fin du XVIIIe siècle. D’après la photographie, rien ne nous prouve le contraire. Cet encadrement de forme ronde est en bronze ciselé et doré. Il est orné d’un rais de perles et, au somment, d’un ruban noué. Ces ornements sont typiques du style Louis XVI. Mais le fait est qu’ils redeviennent à la mode pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle, et ce jusqu’au début du siècle suivant… Pendant cette période, une infinie quantité de petits cadres tel celui-ci a été produite. La qualité de la ciselure assez moyenne nous oriente vers une facture plutôt bon marché. Il est plus qu’hasardeux de nous prononcer quant à son époque d’après un cliché. S’il date bien de la fin du XVIIIe, comptez une cinquantaine d’euros en brocante, et dix fois moins pour une fabrication plus tardive d’un siècle.

Les miniatures sont très courantes, et gageons que plus d’un d’entre vous en possède une. Certaines, fort anciennes, figurant un personnage de renom ou peintes par un artiste cotése négocient à grand prix. Malheureusement, ces petits portraits sont très à lamode fin XIXe, début XXe, et nombre de mauvaises copies sont créées à cette époque. Ces dernières valent à peine quelques dizaines d’euros. Malgré tout, elles ont beaucoup à nous apprendre. Ainsi, imaginons que la miniature de Jordan soit née à l’époque de Marie-Antoinette et que nous devions la dater. Le style pictural est certes notre premier appui, mais nous pouvons également faire appel à d’autres techniques de datation plus inattendues comme…la mode ! A la Cour de Louis XVI, on ne compte plus les « modeuses » qui, guettant le moindre changement d’habillement, de maquillage et de coiffure de la Reine, s’empressent de faire de même. Au début du règne, dans les années 1775, la mode est aux coiffures d’une hauteur toujours plus démesurée, agrémentées de plumes, dentelles et rubans assortis à la robe. Voyez donc ce témoignage d’une dame de la Cour : « Les coiffures parvinrent à un tel degré de hauteur (…) que les femmes ne trouvaient plus de voitures assez élevées pour s’y placer et qu’on leur voyait souvent pencher la tête à la portière. D’autres prirent le parti de s’agenouiller pourménager (…) le ridicule édifice dont elles étaient surchargées ». Mais la seconde grossesse de la Reine (celle du premier Dauphin), en 1781 bouleverse cette mode. Elle perdit beaucoup de cheveux et ne pouvait donc plus se faire coiffer de la sorte. Son coiffeur inventa alors la coiffure « à l’enfant », sur laquelle était souvent disposé un chapeau à large bords.La miniature de Jordan en est une excellente illustration de cette mode qui dura près de dix ans.

Lorsque la petite histoire rejoint la grande… et donne un coup de pouce à l’expertise !
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