Secrétaire à histoire

Cette semaine Jean-François d’Herbault interroge Maître Aymeric Rouillac notre commissaire-priseur sur un secrétaire, croyant avoir vu le même au château de Blois…

Qui n’a pas rêvé de posséder un meuble élégant pratique et qui plus est, historique ? Celui-ci de forme rectangulaire, repose sur des pieds droits. La façade présente six tiroirs, s’il en avait sept nous aurions pu le dénommer semainier, un tiroir par jour de la semaine afin d’y ranger vêtements et foulards. Nous en dénombrons sixsur ce meuble, mais attention il s’ouvre ! Observons que les tiroirs centraux sont simulés, et que ce meuble s’ouvre par un abattant. Sa partie horizontale est recouverte d’un cuir afin de faciliter l’écriture. D’où son appellation de secrétaire. A l’intérieur le fond supérieur présente une niche afin d’y disposer livres et recueils et en dessous 2 rangées de 2 tiroirs afin d’y conserver lettres et papier, encre et plumes d’oie.

Richesse de ce meuble avec déjà un marbre de couleur dit brèche d’Alep blanc et rouge griotte – puis avec une ornementation de bronzes dorés sur les sabots des pieds, les chutes d’angle en partie supérieure aux angles, comme les entrées de serrures en façade. Mais surtout il est en bois de placage, marqueté de bois exotique précieux : bois de rose, et dans les encadrements un décor floral et d’enroulements faits à partir de palissandre de Rio, bois de violette, et citronnier. Ces bois rares importés à grand prix étaient débités en lamelles très fines et sont collées sur le bâti même du meuble qui généralement est en sapin.

Meuble témoin

Recherche de polychromie, aux couleurs chatoyantes, et contrastées font de ces meubles l’archétype des productions françaises au XVIIIème siècle, qui rivalisent d’audace, d’harmonie et de gaieté. Meuble de chambre ou de salon, livré avec une commode assortie et parfois d’encoignures : ils forment l’élégant cadre de vie de la bonne société – cultivant l’art de vivre à la française, copié jalousé, et répandu dans toute l’Europe. Las, celui-ci est une copie au mieux réalisée dans la seconde moitié du XIXème, vraisemblablement sous Napoléon III.

Si le château de Blois est célèbre pour ses meubles d’époque ou de style du Moyen Age comme de la Renaissance, c’est au château de Cheverny que sont conservés élégamment depuis leur origine, les plus de beaux meubles du XVIIème siècle. Courrez à Cheverny et non à Blois ! Bon état général du meuble de Jean-François mais qui a perdu l’éclat original et originaire de ses couleurs : les bois ont été décolorés par la lumière, le soleil et la lune ! Par contre il est désormais plus décoratif qu’utile – ne pouvant accueillir ni ordinateur ni imprimante– en conséquence une estimation de 200 euros peut être avancée. Mais ah s’il pouvait parler de combien de secrets, d’histoire de famille comme de confidences en a-t-il été le témoin !