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Mon trésor pour une tulipe !

Samedi 19 mars 2016

Cette semaine, Jean-Louis sollicite Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, pour connaître l’estimation d’un tableau qui appartenait à sa grand-mère.

Demain nous fêterons le retour du printemps. Quelle meilleure occasion pour nous pencher sur ce tableau qui représente un important bouquet de fleurs ? Tentons de les identifier : jacinthe, tulipes, narcisses, roses, primevères, pavot etipomée. Tant de couleurs et de parfums ! Ces fleurs sont placées dans un vase que l’on devine à peine. Ce dernier est posé sur un plateau de marbre. Sil’on peint des fleurs depuis l’Antiquité, ce sont les peintres flamands qui, auXVI et XVIIe siècles, poussent ce genre à son paroxysme.

A cette époque, leurs tableaux fascinants figurent fleurs exotiques et indigènes avec une fidélité botanique extrême. Ils prennent en revanche parfois quelques distances avec les contraintes imposées par les saisons… Regardez le tableau de notre lecteur,a-t-on déjà vu roses et primevères fleurir simultanément ?! Eh oui, la plupart des natures mortes florales que nous connaissons n’ont physiquement jamais existé. Elles sont le fruit de l’imagination du peintre. Mais peu importe car ces fleurs sont également porteuses d’un message que l’on interprète à travers le fameux langage des fleurs. La primevère, qui annonce la fin de l’hiver, est offerte à un premier amour. Elle répond à l’ipomée, cette plante grimpante symbole d’amour divin qui relie et attache. Certaines fleurs, qui nous sont fort communes aujourd’hui, étaient à l’époque symbole d’exotisme et de grande rareté. La jacinthe nous vient ainsi du Levant. Symbole de sagesse, elle n’est acclimatée en Occident qu’au XVIe siècle, à la même époque qu’une certaine tulipe…

Cette bulbeuse est importée en Europe vers 1560 depuis l’Empire Ottoman, sur lequel règne le sultan Soliman le Magnifique. Fleur la plus représentée en peinture, symbolisant le luxe, la richesse et la puissance. Elle fait perdre la tête aux Hollandais qui donnent naissance au premier marché spéculatif d’importance de l’Histoire. Ce phénomène devient si conséquent qu’entre 1634 et 1637 on parle même de « tulipomanie ». Rendez-vous compte, durant ces années, certains bulbes rarissimes se vendent – parfois aux enchères – jusqu’à 30 000 florins. A titre de comparaison, les plus belles maisons en bordure des canaux d’Amsterdam se négocient 10 000 florins et un artisan peut espérer gagner au maximum 300 florins par an… De la folie !!! En éclatant, cette bulle cause de nombreuses faillites mais ne freine en rien l’acclimatation et la culture de cette plante qui fait aujourd’hui le bonheur de tout jardinier, aussi modeste soit-il !

Le tableau de Jean-Louis, bien qu’il y ressemble à s’y méprendre, n’est pas du XVe ou du XVIe siècle. Il est l’œuvre de Jean-François Van Dael (1764-1840), un peintre flamand installé à Paris qui a fait des bouquets de fleurs sa spécialité. Sous l’Empire, il en vend même aux impératrices Joséphine et Marie-Louise ! Mesurant 30 x 24 cm, il pourrait être estimé autour de 20 000 €… Mais si seulement il était original ! Car l’œuvre de notre lecteur est un procédé ! Une simple photo imprimée sur une toile qui ne devrait pas se négocier plus de 2 € en brocante… Mais qui pourrait s’échanger contre un sac de bulbes de tulipes… !
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