FR
EN

Sous la plume d'or

Samedi 05 mars 2016

Cette semaine, Didier plonge notre commissaire-priseur Maitre Philippe Rouillac dans le monde de l’écriture et de la dorure en lui présentant un "encrier en bronze doré".

Il n'y a pas d'écolier avant 1960 qui n’ait redouté de renverser son encrier sur sa copie immaculée, ou sur celle de son voisin pour les plus farceurs... S’il a aujourd’hui disparu des pupitres, cet objet d’écriture est apparu au IVème siècle en Occident, avec l’usage de l’encre. D’un simple godet, il se transforme, au fil des siècles, en objet de prestige. Au XVIIe, la calligraphie et son cérémonial invite les artisans à la plus grande créativité dans le choix des matériaux et des ornements. L’art épistolaire prend une place considérable dans la société noble et bourgeoise, et devient même un genre littéraire à part entière avec par exemples le beau Valmont et la délicieuse Madame de Merteuil des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

L’encrier que nous présente Didier n'en n'est pas un. Il s'agit en effet d'une écritoire, car au côté du godet de l'encrier réservé à l'encre, se trouve un deuxième pour le sable permettant de sécher l'encre. Elle adopte un style composite caractéristique du Second Empire. Les deux réceptacles couverts sont présentés sur un plateau reposant sur quatre pieds en forme de dauphins. Une tête de lion rugissant domine l’ensemble orné de rinceaux, feuillages et palmettes de style rocaille.

Notre lecteur nous confie que l’objet est en bronze et qu'il a été doré par son père dans les années 1940, grâce au procédé de l’électrolyse. Mais avant la découverte de cette formule chimique au milieu du XIXe, d’autres techniques ont été utilisées afin de couvrir les pièces du plus précieux des métaux : l’or !

Dès l’Antiquité, des feuilles d’or recouvrent des statues, objets de culte et bijoux. La technique traverse les siècles, évoquant notamment le règne du roi Soleil, qui fit couvrir d’or les meubles, les glaces,les objets… et jusqu’aux toits de Versailles. Son usage est toujours d’actualité, comme l’illustre la restauration en cours de l’archange de l’abbaye du Mont Saint-Michel. Louis XV, soucieux de préserver les deniers du royaume, avait suggéré l’emploi d’un vernis jaune sur le laiton chauffé. Malheureusement ce subterfuge ne résiste pas au temps et à l’oxydation, contrairement à l’or qui est inoxydable. On lui préfère donc la dorure au mercure. Elle consiste à appliquer au pinceau sur l’objet un mélange liquide d’or et de mercure, avant de le chauffer afin que s’évapore complètement le mercure. L’or définitivement incrusté dans la pièce est ensuite écrasée par une pierre d’agate, ou hématite, appelée brunissoir, afin de la faire briller de mille feux. Cette technique ingénieuse n’était malheureusement pas sans danger pour la santé des artisans exposés aux émanations toxiques du mercure. Tels Icare s’approchant trop près du soleil , nombre d’entre eux ont donné leur vie pour réaliser des dorures d’une qualité encore inégalée, qui est aujourd'hui interdite.

L’illustre maison parisienne de Charles Christofle met au point l’industrialisation de la dorure avec la technique de la galvano plastie vers 1845. Ce procédé chimique est mis au point en 1805 par l’italien Brugnatelli, s’appuyant sur l’invention récente de la pile par son compatriote Volta. Il consiste à plonger un objet dans une solution de chlorure d’or qui, sous l’effet d’un courant électrique continu, se couvre progressivement de particules de métal précieux. C’est cette technique qu’utilisa le père de Didier pour dorer l’écritoire qu’il présente cette semaine.

Le travail du bronze et la dorure semblent être de qualité et l’écritoire est en bon état. Il faudra ainsi compter une centaine d’euros pour parer votre bureau d’or et retrouver le plaisir de l’écriture … à la plume !

Si le château de Blois est célèbre pour ses meubles d’époque ou de style du Moyen Age comme de la Renaissance, c’est au château de Cheverny que sont conservés élégamment depuis leur origine, les plus de beaux meubles du XVIIème siècle. Courrez à Cheverny et non à Blois ! Bon état général du meuble de Jean-François mais qui a perdu l’éclat original et originaire de ses couleurs : les bois ont été décolorés par la lumière, le soleil et la lune ! Par contre il est désormais plus décoratif qu’utile – ne pouvant accueillir ni ordinateur ni imprimante– en conséquence une estimation de 200 euros peut être avancée. Mais ah s’il pouvait parler de combien de secrets, d’histoire de famille comme de confidences en a-t-il été le témoin !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :