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Un breuvage Balzacien

Samedi 27 février 2016

Cette semaine un fidèle lecteur s’interroge sur un « service à café acheté dans les années 1940/50 en Algérie par son beau-père ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui répond :

Un service à café se compose d’une cafetière, d’un sucrier, d’un pot-à-lait et d’un nombre variable de tasses et leurs sous-tasses, six ou douze en général. Je vous vois venir : « alors quelle différence avec un service à thé ? ». La verseuse ! En effet, une cafetière est haute et relativement étroite. Quant à la théière, elle est plus « ramassée » et possède la plupart du temps une large panse basse qui permet aux feuilles de thé de s’épanouir. Ici, pas de doute possible, c’est une cafetière. Les pièces sont en porcelaine et reçoivent un décor polychrome de dragons. Ce décor est clairement inspiré de la Chine.

En revanche, notre lecteur n’a pas songé à photographier une éventuelle marque présente sous les pièces. Difficile donc de situer précisément son le lieu de création. Il peut être chinois mais, quoi qu’il en soit, étant donné la forme des pièces, il n’est pas très ancien. De plus, la médiocre qualité d’exécution du décor nous indique une production qui doit être contemporaine de son achat par le beau-père de notre lecteur. Pour ne rien arranger, il manque une tasse… Il est néanmoins plaisant et peut se négocier une trentaine d’euros en brocante. En somme le vrai trésor n’est pas là ! Ce qui fait l’intérêt de ce service c’est l’histoire du précieux grain dont il accueille la décoction : le café !
L’histoire du café est riche et bien mouvementée. À bien des égards on pourrait même la qualifier de balzacienne. En voici les grandes lignes.
Les premiers hommes à avoir consommé du café, vivaient en Abyssinie, actuelle Ethiopie, il ya 4 000 ans. Le caféier y pousse alors à l’état sauvage. C’est là-bas qu’est découverte la torréfaction de ses fruits, et donc la façon de consommer cette boisson, toujours de mise aujourd’hui. Il faut attendre le XVe siècle pour que cette plante soit cultivée au Yémen actuel et exportée dans tout le monde arabe. C’est par Venise qu’il entre en Europe en 1615. Mais pendant un siècle sa consommation est plus qu’anecdotique. L’élite aristocratique s’en délecte à Versailles après que l’ambassadeur de l’Empire ottoman ait offert du café à Louis XIV. Pendant plus d’un siècle, ce sont les Hollandais qui ont la main mise sur le commerce de cette denrée luxueuse d’un grand prix. Mais la France n’a pas dit son dernier mot. En 1786 sont plantés deux caféiers en Martinique. Ils sont les ancêtres des millions de plants toujours cultivés aujourd’hui, non seulement aux Antilles, mais aussi dans toute l’Amérique du Sud !

Le café est devenu une boisson universelle. En France, nous en buvons 1 500 tasses par minute ! À vos risques et périls, demandez donc à un buveur de café de se passer de sa tasse du matin ! Cette boisson aux mille vertus a apporté réconfort et soutien à de nombreuses personnes. Napoléon aurait dit, durant son exil : « Le seul aspect positif de Sainte-Hélène, c’est le café ». Aussi, songez que sans café, point de « Comédie Humaine », ni de « Lys dans la Vallée ». Balzac, qui écrivait jusqu’à 18 heures par jour, ne pouvait se passer de ses 50 tasses quotidiennes ! Il préparait sa décoction lui-même après avoir rigoureusement sélectionné les grains. Mais l’Histoire ne nous dit pas s’il en buvait déjà en cachette lorsqu’il était élève au collège de Vendôme… !
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