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Une commode qui invite au voyage

Samedi 16 janvier 2016

Cette semaine, Paule, de Vendôme, invite au voyage Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur en lui faisant parvenir la photographie d’une commode de port « dans la famille depuis plus d’un siècle ».

Quel enchantement n’éprouve-t-on pas à la prononciation de ces mots ? On rêve d’aventures…Au XVIIIe siècle, la clientèle titrée, qui fréquente la Cour du Roi se doit de posséder des meubles parisiens dans ses châteaux de province. La majorité, composée soit de la petite noblesse terrienne, soit de la bourgeoisie financière agissante (qui investit dans l’immobilier) se tourne, pour se meubler, vers les artisans locaux. Ceux-ci ont à charge de concilier les désirs de leurs clients. Ils doivent allier la tradition régionale du meuble en bois massif fourni sur place et les idées et formes nouvelles venues de Paris.

Le mobilier ancien n’est donc pas que parisien puisque certaines provinces, aux caractéristiques marquées, jouent la singularité et l’originalité, tant pou rleur forme que par les bois utilisés. Ainsi, l’armoire dite de mariage la plus riche est normande, le Val de Loire privilégiant les buffets bas et le sud-ouest des commodes très recherchées.

Classique, notre commode présente en façade trois rangs de tiroirs sculptés en applique, le premier en comportant deux, séparés par un montant. Les côtés sont galbés et enretrait à la base, comme les pieds dits « pieds de biche » se terminant par des volutes. La traverse basse est mouvementée et moulurée. Le dessus est en bois, les fixations apparaissent nettement en façade et dans les angles avec des chevilles de bois assemblant les divers éléments constitutifs. Critère d’ancienneté, aucun clou ni trace de colle ne sont d’usage au XVIIIe siècle. Les bronzes sont classiques et de petite qualité : poignées dites mains de tirage en bronze non doré et entrées de serrure simulée pour celle de la rangée de tiroir supérieure.

Cette forme dite « tombeau » reprend la forme des sarcophages antiques, aux formes généreuses. Notre meuble indique une influence bordelaise atténuée, comme pour les productions de Saintonge ou de la Guyenne. D’après cette simple photo d’amateur, la couleur et la patine du bois, cettecommode semble être en noyer, bois naturel de ces provinces, et n’est malheureusement pas en acajou comme les belles et recherchées commodes bordelaises dites deport. Ce bois des îles importé des Antilles ou des Indes occidentales est l’apanage des grands ports tels Nantes et Bordeaux. D’où le nom meuble de port.La Rochelle, Saint Malo, voire Morlaix tirent aussi leur épingle du jeu mais plus modestement. Bois exotiques de palissandre, bois de rose, bois bagasse, amourette, bois serpent, gaïac de Cayenne, bois citron, acajou de Cuba…Rêves et voyages. Bois fin, rouge, aux veines luisantes, l’acajou est travaillé en bois massif pour les armoires, buffets deux corps et surtout commodes, telle celle-ci. Notre commode en bois de noyer, bois moins précieux et donc moins recherché, peut être estimée en vente aux enchères autour de 1.000 €. Ce qui serait un prix dedépart et non d’arrivée pour la même… en acajou ! Mais l’invitation au voyage demeure…
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