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Vive le roi et vive le verre

Samedi 23 janvier 2016

Cette semaine, Jacky fait parvenir à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, la photographie d’un « verre gravé trouvé en brocante ». Il souhaite en connaître la datation et l’estimation.

Ce verre transparent dit de forme « gobelet » est gravé des armes de France (aux trois fleurs de lys) sommées de la couronne royale. Ces armoiries s’inscrivent dans un riche entourage de fleurs et feuillages stylisés. Au-dessus de la couronne se lit clairement la devise : « Vive leRoy ». Pas de doute possible, ce gobelet est soufflé à la bouche. Sous le talon on observe la trace qu’a laissé le pontil (la canne que le verrier utilise pour souffler) lorsque, d’un coup sec, il a été séparé du verre. Le décor est finement exécuté et pourtant, me direz-vous, graver du verre ne doit pas être chose aisée !

Ce verre est gravé à froid à l’aide de deux techniques permettant d’enlever de la matière : la pointe (de diamant le plus souvent) et la roue. Pour la première c’est très simple : avec un éclat de diamant (infiniment plus dur que le verre) fixé au bout d’un stylet, l’artisan vient « rayer » l’objet et ainsi faire naître des motifs comme les branches de la couronne de notre verre. Le principe est sensiblement similaire pour la roue. Dans ce cas, la gravure se fait à l’aide de petites molettes en pierre, métal ou liège de tailles diverses. Elles sont montées sur un tour actionné par l’artisan qui, tenant l’objet en main, vient l’appuyer contre la roue. Cette dernière, aidée d’une poudre abrasive et d’eau, entaille le verre de motifs amatis, translucides et non plus transparents. Sur cette pièce, ce sont les lys et les feuillages qui sont le fruit d’une gravure à la roue.

Ce procédé connu depuis l’Antiquité atteint des sommets de raffinement en Bohême au XVIIe siècle. En France, depuis des temps immémoriaux, nombre de petites verreries - et de manufactures de céramiques - jouxtent les forêts. Telle celle dans la région du Perche, au Plessis-Dorin et en Sarthe à Montmirail. Eh oui, point de bois, point de feu pour le four et donc point de verre en fusion. Mais c’est en Normandie qu’elles étaient les plus nombreuses. Et plus particulièrement dans la vallée de la Bresle, entre Feuquières et LeTréport, en lisière de la forêt d’Eu. Avant la révolution, deux types de verreries cohabitent. Les « grosses » dont les artisans, issus de grandes familles verrières sont anoblis, bénéficient de privilèges (notammentpour l’achat du bois) et produisent en majorité vitres, vitraux et bouteilles.Les « petites », elles, ne bénéficient d’aucun privilège : leur existence est soumise au prix du bois. Leur production consistant en de petits ouvrages nommés verroterie est vendue par l’intermédiaire de colporteurs.Le long de la Bresle, les verroteries sont, depuis le XIXe siècle, remplacées par les flacons de parfum. Forte de ses traditions, de son savoir-faire et de son histoire, cette vallée aujourd’hui surnommée la « Glass Vallée » produit l’essentiel des flacons et bouteilles de luxe du monde.

Ancien, notre verre provient probablement d’une de ces petites verreries normandes.Proche des verres dits « à devise », il date de l’époque de LouisXVI, donc avant un certain 21 janvier 1793. Dit « verre à cidre », on y buvait à la santé du Roi ! Son bel état fait qu’il peut être négocié entre 80 et 120 €. Mais attention, à Roi fragile, verre fragile… !
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