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Petit papa noël

Samedi 19 décembre 2015

Sarah nous demande "l'estimation d'un tableau de Reynolds : L'âge de l'innocence." Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

Le tableau dont notre lectrice nous envoie la photo est l'une des plus célèbre peinture du Royaume-Uni. Il s'agit de la "Joconde" du portrait d'enfant, conservée depuis le milieu duXIXe siècle dans un musée londonien, National gallery puis Tate museum. Il représente une adorable petite fille de trois ans, en robe blanche, agenouillée avec ses mains sur le cœur et les pieds nus au milieu de la nature. Un bandeau avec un joli noeud orne ses cheveux, alors que son doux visage laiteux, plein de confiance, se détache sur un ciel bleu qu'assombrissent seulement quelques nuages typiquement anglais. J'ai l'impression d'y reconnaître l'une de mes petites filleules Blanche ou Aliénor.

Mais peu importe l'identité du modèle. S'agit-il de la nièce de l'artiste comme on a pu le penser ? D'une jeune et illustre inconnue ? De l'ancêtre de Lady Diana ? Peu importe, car seule la douceur de cette enfant reste. Et cette douceur devient universelle. Présentée pour la première fois au public en 1785 lors de l'exposition de l'Académie royale à Londres, ce tableau était sobrement appelé "Petite fille". Il est maintenant connu dans le monde entier comme "L'âge de l'innocence". Par quelques traits de génie, Joshua Reynolds (1723-792) réalise un portrait avec des touches raffinées aux tons délicats dans une composition classique et équilibrée qui perce les mystères de l'enfance. Toutes les suppositions sont valables si vous cherchez à imaginer les pensées de cette fillette. S'émerveille t-elle face à la Création, prie t-elle pour un être cher ou pour un petit oiseau qu'elle viendrait de porter en terre ? Bien que vêtue en tenue d'été et alors que la toile a été peinte bien avant le réchauffement climatique, nous pourrions presque l'entendre fredonner la chanson de Tino Rossi : Petit papa Noël...

Ce tableau a connu un tel succès qu'il a été rapidement copié par des dizaines, que dis-je par des centaines de peintres ! 323 copies professionnelles en ont été faites rien qu'entre 1847 et 1900 ! Par sa petite taille, le cadre de notre lectrice montre qu'il s'agit le plus probablement d'une reproduction de musée, vendu généralement dans une boutique souvenir. La technique est la plus souvent la même : sur un châssis de bois entoilé, un poster est contrecollé puis badigeonné d'une couche de vernis ou de blanc d'œuf pour donner l'illusion d'un tableau original. Un joli cadre doré achève de donner le change. Les amateurs du 7e art se souviennent peut-être que c'est ainsi que Mister Bean, un autre célèbre artiste britannique, réalise une copie du très cher tableau américain représentant la mère de Whistler dans un film humoristique de la fin du XXe siècle ? Les sites d'enchères en ligne propose ce type de copie à partir de 3 euros, ce qui corresponds plus ou moins à la valeur de l'oeuvre de notre lectrice. On préfère parfois oublier ce type de contingence matérielle et délaisser les questions de valeur financière pour se plonger dans l'Innocence de l'enfance et fredonner en cœur : "n'oublie pas mes petits souliers"....!
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