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« Tea Time» Russe

Samedi 19 septembre 2015

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, répond à Jacqueline qui s’interroge via internet sur un buffet Henri II… qui cache un samovar russe !

Que Jacqueline nous pardonne, mais cette rubrique a mis en lumière le mobilier Henri II à de très nombreuses reprises. Depuis notre dernier article traitant de ces productions (en mars 2014), la cote de ce style n’a malheureusement pas évolué… Comptez toujours une centaine d’euros pour ces meubles massifs passés de mode. En revanche, nous avons repéré une fontaine à eau chaude en cuivre, en bonne place dans la niche centrale du buffet.

Cette fontaine couverte en cuivre présente une large panse côtelée. Elle est munie d’anses latérales en laiton à enroulement ; elle repose sur un piédouche à base carrée, pourvu de quatre pieds boule. Placez-y un réchaud sous le pied pour y chauffer l’eau. Si ici le réchaud a disparu, son robinet semble toujours fonctionner. Afin d’éviter que des gouttes d’eau n’abiment le bois du buffet, un petit bol placé sous le robinet fera merveille. Cette fontaine, notamment utilisée pour la préparation du thé, est une version simplifiée du fameux samovar russe. Ce dernier possède en plus une cheminée en son centre où l’on place des braises dans le but de faire bouillir l’eau. Par extension, on appelle souvent samovar les fontaines à eau chaude, bien qu’elles soient dépourvues de cheminée.

L’évocation du thé nous conduit instantanément en Grande-Bretagne, où le tea-time est une véritable institution.Les pays asiatiques ont eux aussi, et les premiers, développés un cérémonial du thé fort complexe et codifié, à l’image de la Chine, de l’Inde ou du Japon. Mais en Russie, et à Moscou en particulier, le thé tient une place de choix dans le cœur des habitants. Ce breuvage y est fort apprécié dès la fin du XVIIe siècle. L’approvisionnement se fait grâce aux relations commerciales régulières avec la Chine. Les habitants de Saint-Pétersbourg, préférant de loin le café, affublent leurs compatriotes moscovites du sobriquet de « buveurs d’eau chaude ».

À nouvelle boisson, nouveaux ustensiles. Voilà qui tombe bien, car, non loin, au sud de Moscou, se trouve la ville de Toula, berceau de la métallurgie et de l’industrie des métaux. Elle devient rapidement la capitale du samovar. Ses productions rivalisent de somptuosité et deviennent fameuses dans le monde entier. On en produit de plus en plus, à mesure que le thé se répand et se démocratise dans l’ensemble de l’Empire russe. En 1850, 28 fabriques produisent pas moins de 120 000 samovars et, en 1913, 1 800 fontaines sortent chaque jour des ateliers de Toula !

La dégustation du thé devient une tradition du pays des Tsars. On le prépare dans une théière ou il est très concentré, donc très fort. Il est ensuite versé dans les tasses que chaque convive remplit plus ou moins, selon sa convenance, avec l’eau chaude du samovar. Celui-ci est devenu l’attribut incontournable du foyer russe, riche ou pauvre. Il est encore aujourd’hui, loin devant la vodka, LE symbole d’hospitalité et d’amitié en Russie.

Le samovar de notre lectrice est de facture courante. Il date probablement de la fin du XIXe siècle. Malheureusement il est en cuivre peu ouvragé, sans le prestige de ceux faits d’argent. Il vient peut-être de Toula : cherchez un poinçon, chaque fabrique avait le sien ! Comptez, quoi qu’il en soit, entre 30 et 50 € en brocante pour cette fontaine. Et servez-vous en…! Elle sera pour vous une source de chaleur et d’amitié !
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