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L'ivresse de la peinture

Samedi 12 septembre 2015

Cette semaine, alors que nos vignerons s’apprêtent à vendanger, Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, est sollicité par Joëlle, de Coulanges, qui souhaite connaître la valeur d’un tableau contemporain.

Ce paysage nous offre une importante parcelle de vignes au premier plan. Leur feuillage d’un vert tendre tirant sur le jaune est abondant. Cette impression de luxuriance est fort bien rendue par l’artiste qui utilise des « empâtements », des amas de peinture ! Pour ce faire, le peintre laisse de côté son pinceau au profit de petits couteaux qui ressemblent fort à des truelles miniatures. Cette technique, chère aux Impressionnistes, n’est possible qu’avec la dense peinture à huile. Le relief des murs blancs des maisons à toit de tuiles rouges composant le village est également exprimé grâce à ce procédé. Le clocher, de très grande taille, invite notre œil à contempler l’arrière-plan. Une chaîne de montagnes se dessine au loin : les Pyrénées. Mais pour ces monts, traités au pinceau, à la brosse, point d’empâtements. Ces derniers desserviraient la perspective. L’auteur de cette œuvre, signée en bas à gauche, est Lau Spigle. Depuis la fin des années 70, ce paysagiste pose son chevalet là où la nature lui offre de la grandeur et de la couleur. Son vif coup de pinceau, (enfin, de couteau !), s’inspire directement des travaux des Impressionnistes à l’image de Monet, Pissarro ou encore Van Gogh. Malheureusement sa cote ne suit pas la leur…

Le petit village qu’il a choisi de représenter est Saint-Laurent-de-Cerdans, dans les Pyrénées-Orientales. Il se situe dans le Roussillonnais, à deux pas de la frontière espagnole. Le climat méditerranéen de cette terre ne pouvait qu’être favorable à la culture de la vigne, et ce depuis 2 600 ans ! Ce sont les grecs qui l’implantèrent dans cette région 6 siècles avant Jésus-Christ. Sous l’empereur Auguste (fin du Ier siècle av. J-C, début du Ier siècle), nombre de valeureux légionnaires à la retraite reçoivent une terre dans cette région en remerciement. Ils se font vignerons et donnent à la production viticole un essor considérable. À cette époque, on boit de ce vin en Grèce, et même en Égypte ! À la chute de l’Empire romain la viticulture décline. Mais c’est sans compter sur les moines du Moyen-Âge qui s’approprient cette culture et découvrent des procédés de vinification révolutionnaires, encore en vigueur aujourd’hui. La Renaissance et l’époque Moderne ne feront qu’augmenter la production et l’exportation de ce produit d’excellence, bien plus rentable que les céréales, faisant du Languedoc et du Roussillon des provinces prospères. On raconte que le roi Charles IX est charmé par la douceur du muscat de Frontignan. Qui ne l’a pas été, en le dégustant à l’apéritif ou accompagné d’un foie gras ?
À Saint-Laurent-de-Cerdans, le roi des moelleux, c’est le muscat de Rivesaltes ! Comptez environ 10€ la bouteille. Malheureusement pour Joëlle, elle ne pourra pas s’en offrir une caisse puisque, même si son tableau est bien peint et plaisant, Spigle n’a guère de cote sur le marché. Comptez entre 20 et 40 € en brocante.
Rassurons-nous en nous disant que, contrairement à l’alcool, la peinture est à consommer sans modération !
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