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Marie-Antoinette captive

Samedi 25 juillet 2015

Cette semaine, Nathalie écrit du Vendômois à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur. Elle tient de sa grand-mère un dessin qui aurait été fait par « Marie-Antoinette en prison ».

Aucun doute : cette œuvre figure la reine Marie-Antoinette. Elle est vêtue d’une robe noire qui signifie qu’elle porte le deuil de Louis XVI, guillotiné le 21 janvier 1793. Elle se tient debout dans une petite cellule éclairée par une lucarne, le regard en direction d’un crucifix. Sa position exprime la profonde détresse qu’elle éprouve alors. La composition de l’œuvre est masquée au tiers par un paravent. Cela conduit le spectateur à presque surprendre cette scène empreinte d’une grande intimité. Elle est alors conduite à la Conciergerie, lieu de détention des accusés devant comparaître devant le tribunal révolutionnaire. La Reine, emprisonnée depuis 14 mois, vit les derniers instants de sa captivité. Séparée de ses enfants, privée de tout contact avec l’extérieur de la prison depuis deux mois et demi, elle essuie chaque jour insultes et humiliations. Ce séjour prend fin le 16 octobre 1793 à 4h du matin. Le tribunal rend alors son verdict : Marie-Antoinette est coupable "d'avoir coopéré directement (…)avec les puissances étrangères et les ennemis extérieurs de la République ainsi qu'aux complots et conspirations tendant à allumer la guerre civile en armant les citoyens les uns contre les autres". Elle est condamnée à mort et exécutée dans la foulée, à midi et quart, sur les lieux mêmes qui virent tomber la tête de son époux neuf mois plus tôt ; l’actuelle place de la Concorde, à Paris.

En regardant cette œuvre, on remarque une date et une signature en bas à gauche : « 1902 Lucien Gautier Aq. F. ». En bas à droite, une contre signature au crayon est accompagnée de la dédicace « à Jeanne …? ». Il ne s’agit donc pas d’un autoportrait de Marie-Antoinette, mais bien de l’œuvre d’un artiste. En effet, c’est une gravure ! Le tableau original, réalisé en 1816 par Gervais Simon est aujourd’hui conservé à la Conciergerie. Lucien Gautier l’a copié, gravé et a offert cette reproduction à Jeanne. L’abréviation qui suit sa signature nous renseigne sur la technique employée :« Aq. F. » pour Aqua Fortis : eau-forte en latin.

Ce procédé de gravure se fait sur plaque de cuivre. Cette dernière est recouverte d’une fine couche de vernis sur laquelle l’artiste dessine à l’aide d’une pointe, mettant ainsi le cuivre à nu là ou passe son stylet. Il la plonge ensuite dans un bain d’acide,« l’eau-forte », qui ronge les endroits où le cuivre n’est plus protégé par le vernis. Après cette étape, la plaque est encrée et son dessin imprimé sur papier à l’aide d’une presse. Gautier est justement célèbre pour ses eaux-fortes ! Né en 1850 à Aix-en-Provence, il commence par copier les œuvres à la mode avant de se tourner vers le genre qui fera sa renommée : les vues. Ses paysages et monuments pittoresques anglais, français ou italiens et ses panoramas de cités européennes s’arrachent ! A-t-il été particulièrement sensible à l’histoire de la Reine ? Souhaitait-il faire plaisir à Jeanne ? Le fait est que cette œuvre, bien que quittant son domaine de spécialité, est de qualité et illustre son talent à merveille. Son cadre en bois stuqué et doré la met très probablement en valeur depuis le début du XXe siècle. Comptez une trentaine d’euros en brocante pour cette gravure qui semble en bon état.
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