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Un objet qui a du cachet !

Samedi 18 juillet 2015

Cette semaine, Corinne, de Vineuil, interpelle Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, au sujet d’un sceau qu’elle tient de son grand père pour lequel elle est « extrêmement curieuse de connaître l’origine et l’histoire ».

C’est une pièce tout-à-fait singulière qu’il nous est donné d’étudier cette semaine : un cachet. Il appartient à la grande famille des « objets de vitrine ».Il mesure à peine plus de 3 cm de hauteur et est composé de divers éléments « s’imbriquant » les uns les autres autour d’une tige centrale. Le plus essentiel de tous est une pierre gravée en creux : une intaille. De forme ovale, elle se situe en partie inférieure. C’est une pierre fine de couleur rouge-orangée, très probablement de la cornaline, mesurant 1,5 cm de hauteur pour 1,2 de largeur. Elle est ornée d’un profil d’homme barbu. Cette pierre est sertie dans une monture en or de deux tons, rose et jaune, ornée d’un fleuron. L’élément venant ensuite, de forme tronconique est lui aussi probablement en or rose. Il présente de nombreuses cavités disposées en cercle au niveau de l’épaulement. Elles accueillaient probablement des pierres précieuses, à l’image des diamants dont est serti un petit anneau situé au-dessous de l’élément le plus étonnant de cette monture : une tête de Maure ! Elle est sculptée dans une pierre stratifiée, probablement de l’agate ou de la sardonyx. Cette dernière est coiffée d’un anneau serti d’un diamant qui permettait de suspendre le cachet à une chaîne. Nous sommes face à un petit objet de qualité dont l’utilité nous paraît aujourd’hui bien opaque…Et pourtant, il fut un temps ou il était de toutes les poches !

Le cachet est un sceau de petite dimension dont Auguste Coulon, archiviste et auteur de l’inventaire des sceaux de Bourgogne définit ainsi : « Le sceau est l'empreinte sur une matière plastique, généralement la cire, d'images ou de caractères gravés sur un corps dur (métal ou pierre) plus spécialement désigné sous le nom de matrice, et généralement employée comme signe personnel d'autorité et de propriété ». Du latin siggilum, dérivé de signum, « signe », il porte une marque distinctive et théoriquement infalsifiable (lettres, symboles, animaux, figures mythologiques…), qui le rend unique, intimement lié à celui qui le porte. Il permet trois choses : authentifier, certifier et clore un document ou un contenant de marchandises. Son origine remonte aux confins del’Antiquité, probablement même avant l’invention de l’écriture. Il était alors utilisé par les Mésopotamiens sous la forme d’un cylindre que l’on roulait sur de l’argile meuble afin d’y laisser une empreinte. Son usage reste le même à l’époque romaine mais sa forme évolue. De plus petite taille, souvent serti sur un anneau il devient une bague. En Occident, il s’orne au Moyen-Âge des armoiries de son propriétaire. Mais, à partir du XVe siècle, il perd sa valeur officielle au profit de la signature manuelle ; hormis pour les actes royaux et juridiques importants. Il reste cependant largement utilisé dans une sphère plus privée. Avec le XIXe siècle lui vient ce côté romantique dont nous gardons aujourd’hui l’image : les lettres d’amour secrètes que l’on scelle à la cire pour en garantir le secret… L'Antiquité, et le monde romain en particulier (fort friand de pierres dures), fournit un nombre considérable d'intailles et de camées qui sont quant à eux sculptés en relief. Durant le Moyen-Âge et la Renaissance les amateurs recherchent et collectionnent ces pierres avec frénésie. Il est alors fort répandu de les sertir sur toute sorte d’objets orfévrés. Ainsi ils ornent couronnes, vaisselle sacrée, reliquaires, plats de livres, bijoux ou encore… cachets ! Cette « course » aux gemmes antiques a donné naissance à des milliers de copies et de faux…

L’intaille de notre lectrice figure le profil, en buste, d’un Empereur romain barbu et chevelu dont la tête en ceinte de la couronne radiée. Portant les rayons du soleil, elle confère à l’Empereur vivant la protection du dieu Sol, et symbolise l’éternité lorsqu’il est décédé et divinisé. Ici, nous avons probablement affaire à la représentation de Postume, général gaulois, qui usurpe le titre d’Imperator entre l’an 260 et 269 de notre ère, environ. La grande question est : intaille romaine montée en cachet à l’époque moderne, ou copie ? Sans un examen approfondi, il est fort difficile de répondre à cette question. Ce qui est certain c’est que l’on a pris soin de lui donner une monture de qualité, faite d’or, sertie de diamants et agrémentée d’une tête sculptée. Malgré tout, le travail du métal n’est pas d’une grande finesse. Qu’à cela ne tienne, en ’état, pour cet objet datant très probablement de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIe siècle, comptez une estimation de 200 à 300 €.
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