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Flambée du 14 juillet

Samedi 11 juillet 2015

Cette semaine, Aymeric Rouillac, commissaire-priseur répond à Pauline qui lui écrit de Vineuil dans le but d’en savoir plus au sujet d’une plaque de cheminée.

Quelle idée, me direz-vous, de penser aux froides soirées d’hiver alors que nous profitons ces derniers jours d’un soleil radieux ? Eh bien parce que c’est maintenant que se préparent les flambées ! Faire ramoner votre cheminée est l’occasion de mieux observer les ustensiles nécessaires à son bon fonctionnement. Parmi eux, la reine de la cheminée : la plaque de fonte !

Elle naît au XVe siècle. La plus ancienne qui nous soit connue porte les armoiries du roi René d’Anjou, décédé en 1453. À partir du XVIe siècle, la plaque de fonte remplace peu à peu les plaques de céramique dans les cheminées de la haute société. Les foyers plus modestes se contentent quant à eux d’une dalle de pierre, d’ardoise, ou d’un muret de briques. Cela dans le but de protéger le contrecœur (le mur du fond) des flammes et de la forte chaleur directe, qui risqueraient de le détériorer. La fonte, elle, préserve non seulement la maçonnerie des attaques du brasier mais surtout, elle emmagasine la chaleur et la restitue lentement, même de longues heures après l’extinction des braises. De plus, la fonte bien entretenue ne s’oxyde que très rarement en profondeur et possède donc une durée de vie presque illimitée. Ainsi, n’hésitez pas y retirer la suie à l’aide d’une brosse de fer et de laine de fer avant de la recouvrir d’huile de lin ou de vaseline. Mais attention, prenez garde de la manipuler avec précaution car la fonte est très cassante ! Bien vite, les artisans français s’imposent comme les meilleurs du monde en la matière. Les plus grands artistes sont mis à contribution pour créer de véritables œuvres d’Art au goût et au style du jour. Le point d’orgue est atteint au XVIIIe siècle. Les grandes compositions mythologiques ou religieuses, plutôt rares, côtoient les plaques armoriées. Elles présentent le blason de leur propriétaire mais aussi, très souvent, celui du Roi. En effet, celui-ci est chez lui dans chacune des maisons du Royaume. Aujourd’hui, on rencontre souvent ces plaques héraldiques. Mais il y a fort à parier qu’un grand nombre date du XIXe siècle. En effet, la Révolution interdit les blasons,« signe de féodalité ». Sous la Terreur, une loi ordonnant la destruction de ces plaques est promulguée. La Convention Nationale va même jusqu’à donner un mois à leurs propriétaires pour les porter à la fonderie.Posséder une plaque de cheminée aux armes de France pouvait vous conduire à l’échafaud ! Un grand nombre d’entre elles disparut ainsi. Puis vient le déclin esthétique au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle suivant. Le relief s’estompe, les ornements se raréfient, les compositions s’appauvrissent. Ce n’est que sous Napoléon III que réapparaissent des plaques dignes de l’excellence française.

Celle de notre lectrice nous ramène à la Révolution. De forme rectangulaire, elle mesure 55 x 46 cm. Le bord supérieur arqué est dit « en chapeau de gendarme ».Sa composition figure un trophée d’armes. Elle regorge de symboles de cette époque troublée. De deux boucliers centraux émergent une masse d’armes, un sabre, une pique coiffée d’un bonnet phrygien et un faisceau de licteur. Un coq « veillant au salut de la République » se tient sur l’ensemble agrémenté de branches de chêne et d’olivier. De quoi orner la cheminée du parfait citoyen !

Pauline décrit cet objet comme « banal ». Il n’en est rien ! Les plaques de cheminées révolutionnaires sont fort rares. De plus, un grand nombre de collectionneurs brûle d’intérêt pour les Arts Décoratifs de cette période. En bon état et sous réserve d’un examen physique, comptez une estimation de 200 € en vente publique.
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