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Le Louvre dans votre salon

Samedi 04 juillet 2015

Cette semaine, Jean-Philippe, de Saint-Marc-du-Cor, demande à Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de lui en dire plus sur un bronze « de saint Louis ».

Cheveux mi- longs, apanage de la noblesse, front altier, nez racé et couronne, ce petit bronze, qui mesure 17,5 cm de hauteur pour 13 de largeur, figure un roi, à n’en pas douter. Mais lequel ? La forme de la couronne fleurdelisée est médiévale,c’est une chose sûre. D’un point de vue iconographique, il est très difficile de différencier les différents rois capétiens et premiers Valois. D’aucuns diraient qu’ils se ressemblent tous ! En effet, les portraits que nous avons d’eux sont soit tirés d’enluminures de leur temps, soit fantasmés auXIXe. Autant dire que les différences physiques ne sautent pas aux yeux dans le premier cas et ne sont pas fiables dans le second…

Mais, dans ce cas précis, j’oserais dire « coup de pot ! ». Ce bronze est fondu d’après une statue grandeur nature du monarque conservée au Musée du Louvre. Destinée, à sa création,à orner un portail du palais du Louvre, elle date de la seconde moitié du XIVe siècle, époque à laquelle on s’attache à créer des portraits réalistes, identifiables. Il s’agit de Charles V, dit « le Sage ». Un roi injustement méconnu. Roi de France de 1364 à 1380, son père, Jean II le Bon, lui laisse un royaume exsangue, ravagé par la Guerre de Cent Ans. Souffrant d’un handicap au bras droit, Charles V ne guerroie pas sur les champs de bataille. Cela ne l’empêche pas de gouverner avec intelligence et énergie. Petit à petit, il reconquiert tous les territoires perdus par son prédécesseur et boute « l’Anglois » hors du royaume ! Roi savant et protecteur des Arts, il fonde la première bibliothèque royale, dans le donjon du Louvre. C’est à lui que l’on doit le fameux « sceptre de Charlemagne » que tous ses successeurs au trône utiliseront pour leur Sacre. Bâtisseur, il fait élever la Bastille, mais aussi le château de Vincennes et sa fabuleuse Sainte-Chapelle. Amis Blaisois, sachez que c’est lui qui soutient le bienheureux Charles de Blois face à Jean de Monfort lors de la Guerre de Succession de Bretagne. En somme, Charles V laisse le souvenir d’un très grand Roi. Administrateur hors pair, intellectuel éclairéet libérateur du Royaume, déjà à son époque, lorsque comparaison devait se faire, on ne pensait guère qu’à saint Louis !

Revenonsà notre bronze. Il semble être de qualité, la patine brune est belle et il est en tout point fidèle à son prestigieux modèle. Jean-Philippe nous indique qu’à l’arrière il « est incrusté d’une médaille avec un profil », indice précieux ! Ce n’est en réalité pas une médaille mais un cachet de fondeur.Dans ce cas c’est plus précisément un cachet indiquant le procédé utilisé pour la réalisation de ce bronze : la réduction mécanique. Inventé par Achille Colas en1839, cette technique permet de reproduire une sculpture en taille réduite pour un coût relativement modeste. Ferdinand Barbedienne, célèbre fondeur, s’associe avec Colas. Ensemble, ils entreprennent de copier de célèbres sculptures des plus grands musées d’Europe,de les éditer en bronze, puis de les vendre. Une des premières à en faire l’expérience sera la Vénus de Milo. Dans un premier temps, elle sera suivie par nombre d’Antiques, puis par des éditions de sculptures contemporaines. Grâce à ce procédé, la sculpture se démocratise et les chefs d’œuvre investissent les intérieurs bourgeois. Le Louvre s’exporte dans les salons ! Le succès est considérable et vaut à Colas le surnom de « Gutenberg de la sculpture », oui Monsieur ! Vous objecterez peut-être que la réduction et la reproduction en série d’une œuvre originale fait que ces« copies » n’ont que peu de valeur. Il n’en est rien. Les bronzes d’édition du XIXe siècle, et en particulier ceux de Barbedienne et Colas, sont le fruit d’un travail qui n’a rien d’industriel et sont le plus souvent de très grande qualité, contrairement aux statues de régule. Rappelons que le Musée d’Orsay lui-même conserve des bronzes d’édition !

Ce buste de Charles V est donc la réduction d’un détail de la statue originale en pied du XIVe siècle conservé au Louvre. Notez cependant que la couronne, détruite par la rage révolutionnaire, a été réinventée au XIXe. Ce bronze, fondu dans la seconde moitié du XIXe siècle, peut être estimé entre 120 et 180 €.
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