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Poster royal

Samedi 20 juin 2015

Cette semaine, Colette nous écrit pour connaître l’estimation d’un tableau acheté dans le Loiret et qui, selon son vendeur, aurait de la valeur. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, mène l’enquête.

Louis XV, Roi de France de 1723 à 1774 est appelé « le Bien-Aimé ». Une grande émotion populaire née de la tentative de régicide par Damiens lui valut ce surnom. Amour dont il ne restait plus grand-chose à la fin de son règne… On alla jusqu’à prendre la décision de conduire sa dépouille mortelle à Saint-Denis de nuit ; de peur que le peuple ne se jette sur le convoi pour profaner son corps…Si Louis XV fut finalement mal aimé, on peut en revanche affirmer qu’il a aimé ! Ses maîtresses sont innombrables. Parmi elles, citons les plus célèbres : Mme de Pompadour, la comtesse du Barry et Marie-Louise O’Murphy. Qu’il nous soit permis de passer sur les anecdotes scabreuses et les jeunes filles qu’il logeait sans un hôtel particulier versaillais et dont il s’offrait les services de manière frénétique. Ce penchant ne l’empêchait cependant pas d’honorer la Reine Marie Leszcynska qui lui donna 10 enfants : un garçon et neuf filles ! Louis-Ferdinand ne règnera jamais mais donnera trois rois à la France : Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Quant aux neufs filles, une décède en bas-âge et la dernière entre au Carmel. Les sept autres ne cessent d’évoluer à, et autour de Versailles sous le célèbre nom « Mesdames ». L’Histoire a notamment retenu leurs noms du fait de la guerre qu’elles mènent à Versailles aux côtés de leur frère afin d’y rétablir l’ordre moral bafoué par la conduite scandaleuse de leur père.

A chaque nouvelle maîtresse, un nouveau combat. Les horions les plus violents sont pour la Pompadour qu’elles surnomment « Maman putain ». La princesse qui nous intéresse ici est Madame Louise, aussi appelée Madame Septième. Elle et la dernière fille du ménage royal, née en 1737. Éduquée à l’abbaye de Fontevraud ,son retour à Versailles à l’âge de 13 ans fût difficile. Une véritable vocation religieuse l’habite et la fait fuir les futilités de la Cour, trouvant réconfort dans la prière. Louis XV tenta plusieurs fois de la marier, sans succès. Un jour, elle déclara : «N'ai-je pas sujet d'être bien inquiète puisqu'on me destine un époux, moi qui n'en veux d'autre que Jésus-Christ ?». Exaucée, elle prend l’habit en 1770 sous le nom deThérèse de Saint-Augustin. Elle ne cessera de prier pour le Salut de son père. Elle décède en 1786, en prononçant ces mots « Au paradis ! Vite ! Au grand galop ! ». Sur le portrait de notre lecteur, peint en 1748, elle a 11 ans. Son auteur est Jean-Marc Nattier (1685-1766). Ce peintre est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands portraitistes du XVIIIe siècle. En cela, il ne fait pasmentir la prédiction que Louis XIV lui avait faite après avoir vu ses dessins : «Continuez, Nattier, et vous deviendrez un grand homme». Il est fait peintre officiel de la Cour en 1748. De Catherine Ière de Russie au Maréchal de Saxe en passant par le Dauphin et les filles de Louis XV,aucun Grand d’Europe, aucune femme de haute lignée n’échappera au pinceau du maître. Le tableau original « Madame Louise de France, tenant une corbeille de fleurs » est conservé au Château de Versailles.

Celui de notre lecteur serait donc une copie ?! Pas vraiment, c’est plus exactement un fac-simile imprimé sur toile et verni à la façon d’un tableau véritable. L’étiquette présente au dos, à l’en-tête de la maison Braun & Cie, nous le confirme. Cette entreprise est spécialisée depuis le Second Empire dans la reproduction photographique d’œuvres d’Art. Mais Napoléon III ne l’a jamais vue puisqu’elle est datée 1966. Ce tirage était disponible sur catalogue et a probablement été édité à la demande, à des milliers d’exemplaires. Ce n’est donc ni une copie, ni un faux. Pour faire simple, considérez ceci comme un poster de luxe qui n’a aucune valeur, sinon décorative.

Profitez donc du charme de Madame Louise et oubliez le vilain mensonge (ou l’ignorance ?) de la personne qui vous l’a vendu !
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