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La Jardinière des Titans par Rodin

Dimanche 16 juin 2019 à 14h

L’une des cinq jardinières, par Carrier-Belleuse et Rodin, inspirée des Ignudi de Michel-Ange, 1890

Cette Jardinière des Titans correspond au modèle de celle conservée au musée de Détroit ici reproduite. Deux des cinq jardinières complètes connues sur Terre ont donc été retrouvée par les Rouillac.
Torse du Belvédère, oeuvre néo-attique qui représenterait le héros grec Ajax Telamonius réalisée par l'athénien Apollonios, fils de Nestor suivant l'inscription figurant sur son piédestal. - Museo Pio-Clementino (Inv. 1192), Musées du Vatican, Rome. Cliché Jean-Pol Grandmont
Michel-Ange, La Genèse (détail, la Création d'Ève), chapelle Sixtine, Vatican
Michel-Ange, La Genèse (détail, Le Sacrifice de Nos), chapelle Sixtine, Vatican

Auguste RODIN (Paris, 1840 - Meudon, 1917) et
Albert-Ernest CARRIER-BELLEUSE (Anizy-le-Château, 1824 - Sèvres, 1887)
par la manufacture de Choisy-le-Roi.

Jardinière des Titans, 1890.

Céramique émaillée.

La vasque en faïence émaillée à décor en applique de quatre lézards jouant dans des branches, feuilles et glands de chênes.
Marque au tampon de Choisy-le-Roy, marque à l'encre "2", marques en creux : « 1 / 96 / CB / B / 1515 »
Haut. 32 cm, Diam. 50 cm.

Piétement composé de quatre titans en relief en faïence émaillée.
Signé " A. CARRIER-BELLEUSE ".
Marque au tampon de Choisy le Roy, marques en creux « 3017 ORD » avec la date (?)  « 8-1 90 » et « 3018 ORD 96 ».
Haut. 39 cm.

Haut. totale 71 cm.
(légères restaurations)

Provenance :
- Manufacture de Choisy-le-Roi.
- Collection Dupré, Uccle
- Collection privée, Bruxelles ; libre circulation du territoire français.

Des Ignudi aux Titans : dessinés par Michel-Ange mais sculptés par Rodin !, par Aymeric Rouillac

La découverte d’une Jardinière des Titans réalisée d’après Rodin et Carrier Belleuse lors de la 30e vente Garden Party (datée 1899, vente Rouillac, château d’Artigny, 10 juin 2018, n°41) a été l’occasion d’étudier son contexte de création à la manufacture de Choisy-le-Roi. Nous renvoyons au brillant essai du cabinet Sculptures et collections publié dans le catalogue de la vente. Une cinquième jardinière complète, datée de 1890, découverte à l’occasion de cette 31e vente Garden party s’ajoute désormais à la précédente, ainsi qu’aux trois autres conservées au musée du Petit-Palais à Paris (vers 1877, n°inv. ODUT 1924), à l’Institute of Arts de Detroit (vers 1877-1878, n°inv. 2003.32) et au musée Lazaro Galdiano à Madrid (vers 1901, n°inv. 08158). Le modèle de vasque aux lézards de cet exemplaire correspond à celui publié dans le catalogue de la faïencerie de 1895, et aux deux vasques conservées à Paris et à Détroit.

La structure de cette faïence plonge ses racines dans le travail d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse, qui l’imagine portée par des enfants lors de ses débuts à Minton en 1862, puis la publie telle que nous la connaissons en 1884. En revanche, les figures masculines du piétement sont l’œuvre d’Auguste Rodin, influencé par Michel-Ange, lui même imprégné par le Torse du Belvédère du sculpteur athénien Apollonios au Ier siècle avant notre ère. Rodin, qui collabore régulièrement à l’atelier du sculpteur Carrier-Belleuse, réalise en 1876 un pèlerinage en Italie où il est confronté aux sculptures de Michel-Ange. Le choc a d’abord lieu à Florence, avec les tombeaux des Médicis, puis à Rome, avec le tombeau de Jules II dans la basilique Saint-Pierre et le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican. Rodin confessera que Michel-Ange lui laisse alors « un peu de ses secrets ».

Au Moïse et au Tombeau des Médicis vu à Florence, il faut ajouter les six Esclaves sculptés en 1513 puis en 1536, dont quatre étaient alors exposés dans les jardins de Boboli et deux au musée du Louvre. En ce quatrième centenaire de la naissance du maître de la Renaissance, Rodin est frappé par ces corps masculins à l’anatomie musculeuse, invraisemblablement tourmentés par des désir et des tourments infinis. Le choc à la chapelle Sixtine est encore plus grand : Rodin est ébloui par la fresque de 500 mètres carré figurant La Genèse, peinte à partir de 1508 par un artiste de 33 ans. Les cinq groupes de quatre Ignudi, hommes dévêtus, encadrant chaque scène biblique sort du strict cadre théologique pour entrer de plain pied dans une pureté virile et juvénile, sans que l’on sache si ces « athlètes de Dieu » sont des anges sans ailes ou une évocation du paganisme antique. Rodin est conquis par ce dessin puissant qui dévoile le dessein du sculpteur. Il sent la volonté de faire jaillir dans les trois dimensions d’un bloc de marbre des hommes peints en deux dimensions, sous une voûte papale.

De retour en France, le sculpteur donne matière aux corps de Michel-Ange. Il s’agira de L'Âge d’Airain en 1877, d’après les sculptures vues à Florence, puis des quatreTitans de cette jardinière, conçue vers 1878, qui sont autant de citations de l’un ou l’autre des vingts Ignudi. Peu importe que deux des quatre hommes soient chauves ou barbus, loin des canons de leurs homologues romains : seule compte la torsion des corps herculéens, qui séduit Carrier-Belleuse. Désormais directeur de la Manufacture de Sèvres, il y embauche Rodin sur-le-champ, en 1879, réservant toutefois l’édition de ce tour de force à la faïencerie de Choisy-le-Roy, que dirigera son fils Louis-Robert entre 1890 et 1895. Rodin a réussi son pari : il a modelé en trois dimensions à quatre siècle d’écart le rêve peint par Michel-Ange en deux dimensions, s’offrant le luxe de renommer les Ignudi du Vatican par le nom païen de Titans, qui ne sont autres que les première divinités précédant dans la mythologie grecque les dieux de l’Olympe, avant même le récit biblique de la Genèse !
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