L'oiseau d'acier qui rêvait de vitesse

Point de vue, Arthur Frydman

Avant que le Concorde ne déchire le ciel à Mach 2, il fallut qu'il traverse le vent immobile des souffleries. Cette maquette de 1964, unique rescapée des essais de l'ONERA, porte en elle toute l'ambition du supersonique civil : perforations scrutant l'écoulement des fluides, circuits électriques mesurant l'échauffement, peinture luminescente traquant chaque variation thermique. A l'échelle 1/75, l'acier garde mémoire des températures extrêmes, de 120 degrés aux pointes avant, malgré les -55 degrés de la stratosphère. Chaque perforation sur l'aile delta raconte un test, chaque fil électrique une question posée au futur. l'ONERA façonnait là, entre 1962 et 1964, l'impossible : permettre à cent passagers de traverser l'Atlantique plus vite que le soleil. Survivante du démantèlement de 2003, cette maquette cristallise trois dimensions : objet scientifique dans ce que le design a de plus pur, sculpture involontaire, fragment d'Histoire. L'avion ultime du XXe siècle, figé dans son devenir.