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À la table de l’Histoire

Samedi 11 octobre 2025 à 07h

Cette semaine, une de nos fidèles lectrices soumet à notre expertise un guéridon qui aurait été acquis lors de la vente du mobilier du château de Rochambeau en 1950. L’occasion, pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de ce meuble.



À la manière du roi Arthur réunissant ses chevaliers autour de la Table Ronde pour mener la quête du Graal, les tables sont souvent le lieu où s’écrivent les petites histoires, mais aussi la grande Histoire. L’actualité en est d’ailleurs une parfaite illustration, avec les négociations en cours pour établir le futur gouvernement, où les différents acteurs de la politique française sont réunis « autour de la table » afin de trouver des compromis, dans une situation particulièrement complexe.

Il est justement question de table avec l’objet de la semaine : un guéridon circulaire en bois noir. Le plateau adopte une forme en cuvette, et chaque pied est orné d’un mufle de lion dont les crinières retombent comme des cheveux de femme. Ces mufles se prolongent par une volute et des feuilles d’acanthe. Les pieds, terminés en griffes de lion stylisées, sont reliés entre eux par des barres d’entretoise galbées et engrêlées. À noter également la présence de quelques trous d’insectes xylophages sur l’entretoise. Ce guéridon présente un répertoire décoratif qui permet de le rapprocher de la production de style Empire. On peut y voir des griffons, proches des lions, souvent utilisés dans les arts décoratifs pour leur rôle de protecteurs, mais aussi de gardiens de trésors.

Concernant ce guéridon, il est probablement réalisé en poirier noirci, et non en ébène. Par ailleurs, certains éléments laissent à penser qu’il s’agit d’un remontage composé de pièces anciennes, comme les montants. En effet, les jarrets ont été coupés puis réassemblés, comme en témoignent les vis utilisées pour fixer les montants au plateau et à l’entretoise — des éléments modernes, sans doute produits entre la fin du XIXᵉ et le début du XXᵉ siècle. On remarque également un manque d’uniformité dans l’ensemble du meuble, tant sur le plan du répertoire décoratif qu’au niveau de la finesse des sculptures, notamment sur les pieds. Enfin, les trous de vers visibles sur le dessus de l’entretoise pourraient avoir été ajoutés artificiellement pour donner un aspect vieilli à la pièce. Tous ces éléments, ainsi que l’utilisation d’un plateau en bois plutôt qu’en marbre, peuvent nous amener à nous interroger sur l’origine de ce guéridon, dont le travail semble relativement modeste pour une pièce censée avoir appartenu à un maréchal de France.

Il conviendrait donc de poursuivre les recherches pour confirmer cette provenance et retracer son histoire, car à ce jour, nous n’avons retrouvé aucune trace de la vente du mobilier du château de Rochambeau en 1950. En l’état, et sous réserve que cette origine soit un jour attestée, ce guéridon pourrait être estimé entre 80 et 120 euros, avec la possibilité d’une bonne surprise. Une somme qui pourrait, par exemple, vous offrir une sortie à Blois pour assister aux Rendez-vous de l’Histoire, qui proposent cette année de nombreux débats autour du thème : « La France ? »
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