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D’Hastings au stade de France

Samedi 15 octobre 2016

Cette semaine, Alexandre souhaite connaître l’estimation d’une plaque de cheminée (en souffrance depuis 2014…) qui proviendrait du château de Briou, à côté de Marchenoir. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

Voici un objet de saison ! Avec le froid qui s’installe, difficile de résister à une bonne flambée ! Mais avez-vous la chance de posséder une plaque de cheminée si élégante dans votre âtre ? De forme carrée aux coins supérieurs coupés, elle est en fonte. Assez oxydée, il n’est pas évident de distinguer nettement son décor ; mais il s’agit d’un blason. L’occasion de vous parler de cette science auxiliaire de l’Histoire qui vise à étudier les armoiries : l’héraldique.

La guerre donne naissance aux armoiries. En effet, à l’époque féodale, il est difficile, sur le champ de bataille de distinguer son ami de son ennemi, bien souvent équipés de la même façon. Lourdes armures et heaumes intégraux masquent physionomie et visages sans distinction de camp. Une anecdote célèbre raconte que lors de labataille d’Hastings, en 1066, Guillaume le Conquérant ôte son casque pour donner preuve de vie à ses soldats et les enjoindre à combattre plus ardemment encore. Ce sont les larges boucliers employés alors qui vont permettre, une fois peints de couleurs vives et de figures aisément identifiables de loin, d’éviter ce genre de déconvenues. Cette pratique sera bientôt codifiée avec un vocabulaire bien particulier : l’art héraldique est né ! Les« armes » apparaissent.

Ce sont les Croisades qui vont considérablement contribuer à la large diffusion des armoiries. Multiplication internationale des blasons oblige, aux ornements géométriques s’ajoutent alors des figures empruntées à la faune, la flore, les légendes et mythologies ou la vie quotidienne. Car enhéraldique, on n’usurpe pas des armes déjà existantes, et c’est une règle avec laquelle on ne transige pas ! Loin d’être réservées aux seuls nobles chevaliers, nombreux seront ceux qui les trouveront pratiques pour se faire reconnaître : marchands, artisans, hommes de loi etc. Avec les siècles, l’héraldique se complexifie et le blason offre toujours plus d’informations sur le milieu social et culturel de son possesseur. Interdites sous la Révolution car jugées symbole de féodalité, les armoiries vivront cependant de belles heures au XIXe, et sont toujours employées de nos jours, ne serait-ce que par les clubs de sport !

Pas question de football pour cette plaque de cheminée datant du XVIIIe siècle. Sans connaître les émaux (les couleurs) des différents éléments, difficile de l’attribuer de façon certaine à une famille. Nous nous retrouvons dans le même embarras que Jacquouille la fripouille devant la 4L de la Poste dans le film « les Visiteurs » : « À quelle famille appartient cet écu ? ». Il pourrait s’agir de la famille de Bourdage dont les armes se blasonnent (se décrivent) ainsi en langage héraldique : « d'azur au chevron d'argent, accompagné : en chef, de deux étoiles de même, et en pointe d'un lion rampant d'or ». On distingue péniblement deux lions de profil, dressés, à la queue recourbée, encadrant les armoiries. Ce qui est certain, c’est que cette plaque de cheminée réchauffait un marquis, comme nous l’apprend la couronne qui timbre (surmonte) l’écu. Elle garnissait peut-être une cheminée du château de Châtillon, aujourd’hui disparu, qui se situait sur la commune de Briou, près de Marchenoir. Sans les dimensions et sans un examen attentif de l’état de conservation (un fêle serait rédhibitoire) qui montre des piqûres et de la rouille, difficile d’articuler une estimation. Si elle mesure 80 cm de haut, comptez entre 200 et 300 € en brocante.
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