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Jacques Passenaud, 1932-2022 - In Memoriam

Vendredi 21 juillet 2023

Charge Utile, Jean-François Colombet

Durant des années, Jacques a été un fidèle de la Locomotion en fête à La Ferté-Alais. Chaque fois, il surprenait les visiteurs (et les amateurs éclairés) avec un nouveau véhicule, restauré ou simplement révisé et conservé dans son jus. Ainsi en va-t-il de ce Berliet TLM 10 M3, premier tracteur de son entreprise, acquis neuf en 1965.

Le journaliste Jean-François Colombet dressait dans un entretien le portrait de son ami le collectioneur Jacques Passenaud.

Peu loquace de prime abord, Jacques Passenaud se déride instantanément dès lors qu'on commence à parler camions et copains. Fin mécanicien, il a découpé des centaines de camions au chalumeau mais, heureusement, il s'est notablement racheté en en sauvant un grand nombre, et pas n'importe lesquels...

Jacques Passenaud naît en 1932, en même temps qu'un frère jumeau prénommé Jean. Dès son plus jeune âge, son terrain de jeux est l'entreprise de récupération de métaux, papiers, peaux de lapin et chiffons fondée par son père à Mondoubleau (Loir-et-Cher). Ce dernier ne possède alors qu'une camionnette Renault KZ montée en jumelés à l'arrière et qui transporte jusqu'à 1500 kg !

Parmi les premiers camions croisés par Jacques figure le vieux FWD à bandages du père Dupin, un entrepreneur forain qui possède alors plusieurs parquets dansants. Le véhicule tracte avec peine deux remorques également à bandages. Comme l'écrira Jacques plus tard, « Le père Dupin, assis sur le moteur, les mains sur un immense volant plat, sans pare-brise, les cheveux au vent (expression à tempérer, la vitesse maximale ne dépassant pas les 20 km/h, NDLR) était à nos yeux d'enfants un chevalier de la route. » C'est peut-être de là que viendra à notre homme cette passion pour les poids lourds, qu'il a conservée intacte jusqu'à aujourd'hui. Bien connu et apprécié du monde des collectionneurs de camions, Jacques est aujourd'hui à la tête d'une superbe collection qu'il a rassemblée dans des bâtiments pour constituer l'un des plus intéressants musées qui soient, et aussi l'un des seuls consacrés aux camions.

Comment es-tu venu à la collection ?

Je suis parti effectuer mon service national en Tunisie en 1953, à l'âge de 21 ans. J'ai été incorporé au 4e régiment de tirailleurs tunisiens. Libéré en 1954, j'ai été rappelé en 1956 en Algérie.

Je me suis marié en 1957 et en 1958, une fois de nouveau libéré, j'ai repris l'entreprise de récupération de métaux, papiers et chiffons fondée par mon père à Mondoubleau (Loir-et-Cher) dans laquelle je travaillais déjà avant de partir.
Plus tard, je me suis associé avec mon jeune frère qui travaillait avec moi et nous avons acheté une affaire au Mans. Notre premier camion a été le Berliet GLC 6 b récent de notre père. Nous sommes parvenus à développer l'entreprise et nous avons acheté un Citroën 45 U, un GLR 8 M2 puis un GLM 10 M3 de 19 tonnes.
En 1966 est arrivé notre première semi-remorque, tractée par un Berliet TLM 10 M3 à cabine couchette équipé de la célèbre « tricoteuse ».

Ensuite, il y a eu une période Unic avec plusieurs P 200 à capot carrossés en Multibenne et deux T 270 Izoard à moteur V8 qui nous ont donné bien des soucis.

Par la suite, nous avons acheté deux Berliet TR 280, quatre GLR 200, des Daf FT 2805, des Volvo TF 88 et TF 10.20 et deux Scania P 112 MA.

En 1992, à l'âge de 60 ans, j'ai décidé de prendre ma retraite. J'avais hâte de pouvoir me consacrer à ma passion, les vieux camions. J'avais déjà mis de côté plusieurs véhicules, n'ayant pas eu le cœur de les ferrailler. L'un des premiers récupérés était l'ancien fourgon-pompe Laffly des pompiers de la ville de Brou (Eure-et-Loir).

Sitôt à la retraite, j'ai attaqué la restauration de la camionnette La Licorne de mon grand-père, pieusement conservée, puis celle de la Renault KZ de mon père. Mais j'avais de grandes ambitions. Non seulement je consacrais la majeure partie de mon temps à remettre en état mes véhicules mais je me suis en outre adjoint les services de mon ancien mécanicien, qui « touchait sa bille » en tôlerie. Un second mécanicien est venu nous aider à mi-temps. Bilan : les restaurations se sont enchaînées : un Delahaye 140 ex-armée française de 1940 (qui participera à la 2e édition de la Locomotion en fête, NDLR), une camionnette Berliet VSFN, un Liberty type B, puis ce sont un Citroën 23 RU, un Hotchkiss PL 25, un Dodge T 110 L 14, un Berliet GLA, un GLM 10 R, plusieurs Saurer…

En parallèle, j'ai entamé la restauration des bâtiments d'une ancienne tannerie, installée dans le bas du village. Les travaux ont duré plusieurs années mais ils m'ont permis d'abriter et d'exposer tous mes véhicules restaurés, l'ensemble constituant à présent un véritable musée.

L'âge venant, les visites devenaient de plus en plus difficiles à assurer. Aussi, j'ai décidé de le fermer et de ne le rouvrir qu'exceptionnellement pour des visites privées, sur rendez-vous, pour des amis ou des passionnés.

Que préfères-tu conduire ?

- Mon Berliet GLC 6, par nostalgie, et aussi mon TLM 10 M3.

Que recherches-tu ?

- Plus rien. J'en ai déjà tellement !

A quelles associations adhères-tu ?

- L'Acaare, en Alsace.
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