FR
EN

Drôle de pichet !

Samedi 02 juillet 2016

Cette semaine, Jean-François, de Vendôme, écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, afin de connaître l’estimation d’un vase en étain.

L’étain rime souvent avec plats décoratifs, mesures et autres pichets souvent posés au-dessus du meuble de cuisine depuis des lustres… Et il faut bien avouer que les ustensiles en étain moderne n’ont plus la cote ! Jugés vieillots, ils ont grand mal à se vendre, même en brocante, pour quelques euros… Idem pour les étains anciens, faute de collectionneurs, leur marché fait grise mine.

Et pourtant, dès l’âge du bronze (3 000 à 1 000 av. J.-C.), ce minerai est autrement plus recherché et fait l’objet d’un commerce important. Extrait à la pointe ouest de l’Angleterre, il prend la mer jusqu’à Nantes où il est chargé sur des bateaux qui remontent la Loire, puis le Rhône pour débarquer à Marseille. De là, c’est tout le monde méditerranéen qui est approvisionné.Pourquoi tant d’intérêt pour un métal si mou ? Eh bien figurez-vous qu’en l’alliant avec du cuivre (environ 60 parts de cuivre pour 40 d’étain), on donne naissance au bronze, très résistant à l’usure. Et avec le bronze, on fabrique nombre d’ustensiles, de statues et d’armes ! Dans la plupart des domaines d’utilisation, cet alliage sera, au fil du temps, remplacé par le fer.

Pas question donc d’utiliser l’étain pur pour fabriquer des outils. Il sera principalement réservé aux objets d’utilisation domestique, pour les arts de table en particulier. Avec addition d’une petit proportion de cuivre ou de plomb, cet alliage facile à travailler et brillant comme l’argent une fois poli, colonise la table de tout-un-chacun, du Moyen-Âge au XVIIIe siècle. On le délaisse au XIXe siècle lorsque, industrialisée, la production des porcelaines et faïences devient moins onéreuse et plus aisée. Mais le style Art Nouveau marques on retour en grâce, et le pichet de notre lecteur en est l’exemple parfait.

En étain fondu et ciselé, il adopte une forme inattendue : celle d’une carotte ! L’Art Nouveau aime les motifs végétaux, mais les plantes choisies sont généralement plus poétiques que ce tubercule… Quoi qu’il en soit, le fait d’associer un enfant potelé, une femme dénudée et une carotte géante a le mérite d’être original... ! Originalité que l’on doit à Jean Garnier(1853-1931), artiste mineur de cette époque qui laissa cependant un « Manuel complet », publié en 1903, dans lequel il décrit « l’art de ciseler et repousser tous les métaux ». Ce pichet de 18 cm n’est malheureusement pas un chef d’œuvre de l’Art Nouveau. En bon état, il a néanmoins perdu sa patine argentée d’origine. Comptez entre 60 et 80 € en brocante.
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :