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Un paysage de montagne est un état de l’âme

Samedi 01 juillet 2023 à 07h

Cette semaine, Sophie, de Saint-Georges-sur-Cher, soumet à notre expertise un tableau représentant un paysage de montagne. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



Pour de nombreuses familles, le mois de juillet marque le début de vacances bien méritées. Il faudra alors choisir où partir : mer ou montagne ? C’est une question à laquelle les artistes, en particulier les peintres, ont refusé de répondre, représentant à leur gré aussi bien les vastes étendues maritimes que les plus hauts sommets. Votre peinture, Sophie, représente un paysage typique des Alpes : un lac entouré de montagnes sur les rives duquel se dresse une petite église de pierre et de bois. La signature est de Karl Mollin, un peintre allemand né en 1880 actif au début du XXe siècle et essentiellement spécialisé dans la peinture de paysages pittoresques.

Si la représentation de paysages nous semble aujourd’hui un pan majeur de l’histoire de la peinture, il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. En effet, jusqu’au XVIe siècle, le paysage est essentiellement traité comme accessoire au sujet principal, qui est souvent une scène religieuse ou un portrait. Certains artistes de la Renaissance nordique, comme Dürer ou Joachim Patinier, mais aussi italiens, comme Bellini avec son Saint-François dans le désert, donnent de plus en plus d’importance au paysage. Le XVIIe siècle marque l’explosion de la peinture de paysage, notamment aux Pays-Bas. En France, Le Lorrain crée des paysages fantasmés et enchanteurs. Au XVIIIe siècle, on peut distinguer d’une part les représentations idéalisées et d’autre part les vues, beaucoup plus fidèles à ce que l’œil perçoit. La peinture de paysage prend également une nouvelle dimension grâce à la généralisation du « Grand Tour » autour du bassin méditerranéen chez les artistes, qui ramènent de leurs voyages esquisses, aquarelles et croquis des contrées visitées. La peinture de paysage est, au XIXe siècle, aussi importante que le portrait, et les écoles européennes vont célébrer la nature. En France, à Barbizon, les « peintres de plein air » retranscrivent sur la toile les beautés de la forêt de Fontainebleau, tandis que le mouvement romantique, notamment en Allemagne avec Caspar David Friedrich et son très célèbre Voyageur contemplant une mer de nuages, transpose une aura mystique aux paysages. Le XIXe siècle voit également l’apparition de l’alpinisme moderne. Les jeunes aristocrates européens se lancent à l’assaut des plus hauts sommets du continent et leurs exploits attisent encore davantage la passion naissante des foules pour la montagne. Ce tableau, Sophie, représente peut-être les Tre Cime di Lavaredo, massif mythique des Alpes italiennes dont la face nord a, pendant si longtemps, effrayé les plus téméraires alpinistes !

Votre peinture, Sophie, est signée en bas à gauche. Cependant, vous ne précisez pas le support sur lequel Mollin a réalisé cette œuvre, ni ses dimensions ! D’après les autres créations de Mollin, on peut supposer qu’il s’agit d’une toile de dimensions assez importantes. On semble apercevoir quelques accidents sur la toile au niveau du lac, faisant penser à de délicates voiles de bateaux. Les toiles de Mollin, bien que très décoratives, ne sont pas très recherchées par les collectionneurs. En effet, certains peintres de paysage peignent « au kilomètre », c’est-à-dire qu’ils produisent une quantité très importante de toiles à vocation décorative. Cependant, votre tableau reste un travail de qualité, et pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 50 euros. L’occasion de prendre un bon bol d’air frais en écoutant un chant de yodle, laissant respirer votre âme !
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