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Ne jetez pas bébé avec l’eau du bain !

Samedi 27 mai 2023 à 07h

Cette semaine, Nathan, de Selles-sur-Cher, propose à notre expertise une poupée représentant un nourrisson. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



« La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instants de l’enfance féminine ». Comme Victor Hugo le disait dans Les Misérables, jouer à la poupée est à la fois une étape importante pour le développement des émotions empathiques de l’enfant, et un jeu d’imitation attendrissant. La poupée est un jouet millénaire et universel : depuis la plus lointaine Antiquité jusqu’à nos jours, de la Chine aux rivages glacés de l’Alaska, on trouve trace de ces joujoux. Les matériaux qui la composent sont très diversifiés, puisqu’on utilise aussi bien du bois, de l’os, du chiffon que de la porcelaine, et, plus récemment, du plastique.

En parlant de plastique, cette matière révolutionnaire a totalement changé la destinée de l’entreprise Petitcollin. Fondée dans la Meuse en 1860, la maison Petitcollin fabrique à l’origine des objets du quotidien, notamment des peignes en corne. Puis, au tournant des XIXe et XXe siècles, l’enseigne, qui a choisi une tête d’aigle comme emblème, se met à produire des jouets. En 1912, c’est la sortie des premiers « petits baigneurs » de la maison Petitcollin, qui deviennent rapidement le produit phare de la marque. Ces baigneurs sont fabriqués en celluloïd, une matière développée dans les années 1870 par deux frères américains pour remplacer l’ivoire des boules de billard. Un matièriau plastique souple et facilement usinable, il est aussi très léger, et donc idéal pour la fabrication de poupons. Ces poupées, étanches, sont utilisées dans le bain par les enfants, et seront donc surnommés « petits baigneurs ». Petitcollin reste le fer de lance de l’industrie de la poupée en France pendant plusieurs décennies. Le déclin du celluloïd, dû à son inflammabilité et la concurrence des nouveaux marchés, notamment asiatique, seront les principales causes des difficultés de l’entreprise à partir des années 1960. Cependant, grâce à son inventivité et les choix judicieux de sa direction, la maison relève la tête et est aujourd’hui le dernier fabricant traditionnel français de poupées. La grande créatrice de poupées suisse Sylvia Natterer collabore notamment avec Petitcollin, confirmant ainsi le regain de popularité de la marque à l’aigle, qui a reçu le label « Entreprise du Patrimoine vivant » en 2007.

Certaines poupées extrêmement rares, comme un modèle du XIXe siècle d’Antoine Edmund Rochard vendu 333 500 € en 2017 aux USA, sont très recherchées par les collectionneurs du monde entier. Les petits baigneurs de la maison Petitcollin ne sont pas rares, et votre modèle, Nathan, n’atteindra malheureusement pas de telles sommes sous le marteau du commissaire-priseur. Cependant, votre poupon est en bon état. On peut voir à l’arrière de son cou la fameuse tête d’aigle de la marque ainsi que le numéro de modèle « 55 ». Ses vêtements de l’époque en crochet sont en bon état, et sous réserve de confirmation « de visu », ce modèle semble dater des années 1950. C’est pourquoi il pourrait trouver amateur aux enchères pour environ 10 €. Une somme bien raisonnable pour ce bébé insubmersible, qui fera le bonheur des petits et des grands. A donner aux enfants, pas à conserver en vitrine !
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