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À l'heure du second Empire

Samedi 21 mai 2016

Cette semaine, Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à François de Vineuil au sujet d’un bien de famille composé d’ « une pendule et de deux candélabres ».

De nombreux lecteurs possèdent certainement un ensemble similaire, posé sur le manteau d’une cheminée ou le plateau d’une commode. Ce type d’objet remonte au XVIIIe siècle lorsqu’apparaît la cheminée à hauteur d’appui surmontée d’un miroir. Elle se substitue alors à la cheminée monumentale du XVIIe. Sa tablette de marbre pouvait désormais accueillir des objets, comme une pendule flanquée de candélabres ou de bougeoirs formant ce qu’on appelle communément une « garniture de cheminée ». À cette époque, les pièces ne sont pas toujours assorties. Il faut attendre le XIXe sous les règnes de Louis-Philippe (1830-1848) puis de Napoléon III (1852-1870) pour voir des ensembles plus cohérents. C’est le cas de la garniture de cheminée que présente François.

Probablement réalisée à la fin du second Empire voire au début du XXe, ce « trésor » est typique de la production opulente de cette époque qui se réapproprie les styles antérieurs en les combinant parfois de manière excessive. La garniture de François associe un style Empire(1804-1815) au style Louis XV. Au centre, la « pendule portique » inspirée par l’architecture antique est surmontée d’un vase canthare copiant les vases grecs antiques. Deux candélabres en colonne l’entourent. La partie supérieure est au contraire inspirée du style très mouvementé du règne de LouisXV (1722-1774). On le retrouve dans les quatre bras de lumières feuillagés et les piètements à enroulements. Précisons que le binet supérieur – réceptacle d’une bougie – est couvert, lorsqu’il n’est pas utilisé, de branchages fleuris. Quant aux matériaux utilisés, il s’agit d’onyx vert et de bronze doré. L’ensemble permet ainsi d’indiquer l’heure mais également d’éclairer à la lueur de dix bougies les intérieurs encore sombres de la fin du XIXe. Thomas Edison n’invente en effet l’ampoule électrique qu’en 1879 !

Sous le portique, la pendule elle-même est protégée par une cage de verre au travers duquel on distingue un balancier au mercure dit à compensation. Comment cela fonctionne-t-il ? Composé de deux tubes de mercure accrochés à une tige métallique verticale, le balancier va et vient suivant un axe vertical. Le mouvement est régulé par un mécanisme qui donne des impulsions à une roue d’échappement entraînant ensuite la roue des secondes, puis des minutes et des heures. En utilisant du mercure, l’horloger s’est assuré d’une précision exceptionnelle. François ne pourra donc plus dire comme le lapin d’Alice au Pays des Merveilles « Je suis en retard, en retard » ! En effet, les changements de température peuvent modifier la mesure du temps en dilatant la tige métallique du balancier, ralentissant ainsi le battement. Mais le mercure possède une propriété : sa dilatation compense celle de la tige. Le centre de gravité du balancier reste donc à la même position. Les pendules sont décidément des œuvres d’une grande ingéniosité ! Si ce balancier au mercure n’est pas unique en son genre, il est toutefois peu fréquent. Malheureusement la signature de l’horloger présente sur le cadran émaillé n’est pas lisible et nous ne pouvons pas proprement saluer son œuvre.

Présent dans de nombreux foyers, cet élément décoratif et utilitaire est encore aujourd’hui apprécié par les amateurs qui pourront l’acquérir pour une somme d’environ deux cents à quatre cents euros sous réserve d’examen et de bon fonctionnement… C’est le prix d’une ponctualité assurée et de romantiques dîners aux chandelles !
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