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Voiliers sur une mer agitée

Dimanche 12 mars 2023

par Jan Porcellis

Voiliers sur une mer agitée par Jan Porcellis

Jan Porcellis (Provinces-Unies, 1583/85-1632)

Voiliers sur une mer agitée

Toile marouflée sur panneau.

Haut. 102 Larg. 158 cm.
(restaurations anciennes, accidents et manques)

Dans un cadre à palmettes en bois doré d'époque Empire.

Provenance : collection Pierre Lapeyre (1820-1889), château du Claux à Naucelles dans le Cantal ; par descendance, collection du Val de Loir.

A marine painting by Jan Porcellis depicting ships on a stormy sea. Oil on canvas on wood. In an Empire giltwood frame.

Une redécouverte majeure du « plus grand artisan dans les navires »

Sur une mer agitée naviguent des navires à un mât et à trois-mâts. Au premier plan, une bouée en forme de tonneau flotte au milieu de vagues bouillonnantes. Eclairée sur la gauche, plus sombre à droite, la surface écumante est en mouvement. A senestre, un navire à un mât de type « Damloper » se dirige vers le spectateur. Ce voilier, auquel est attachée une chaloupe, porte à l'arrière un grand drapeau néerlandais. Trois hommes sont à son bord. Dans la partie arrière, deux autres semblent être assis. A l'arrière-plan, un trois-mâts, décrit en détail avec de nombreux marins, navigue vers l'avant. Derrière celui-ci, deux autres trois-mâts anglais suivent la même trajectoire. Le navire de tête, à côté duquel navigue un bateau à un mât, arbore le pavillon anglais de Saint-Georges. Le même drapeau flotte au mât de misaine du voilier derrière lui. Un esquif plus petit, avec une voile carrée déployée, vogue à droite. Il s'agit d'un bateau de pêche de type « Pink ». On distingue clairement quatre pêcheurs à bord. L'un d'entre eux, à l'avant, tient dans sa main gauche une pique qui se détache sur l'eau plus claire. La pluie semble s'abattre en diagonale sur la côte vallonée, que l'on aperçoit à l'horizon. La rade de Texel est vraisemblablement représentée, avec, à droite, un clocher d'église.

Né à Gand, en Flandres après 1583, Porcellis est documenté à Rotterdam en 1605, avant de partir à Londres. Il est actif à Middelburg (Zélande) en 1609, avant de s'installer à Anvers de 1615 à 1620, où il est inscrit comme maître dans la Guilde en 1617. Il séjourne à nouveau Gand en 1620, puis quitte les Pays-Bas méridionaux peu avant l'expiration de la trêve, à la fin de l'année 1621 ou au début de 1622, et retourne à Haarlem pour deux ans, de 1621 à 1623. Il demeure ensuite à Rotterdam et Amsterdam de 1624 à 1626, à Voorburg en 1626 et enfin à Zoeterwoude-Dorp, de 1627 jusqu'à sa mort.

Avec Hendrick Cornelisz Vroom (Haarlem 1562/66-1640 Haarlem), il est le premier peintre à se spécialiser dans le genre maritime. Témoin des succès de la navigation des Pays-Bas, la Compagnie des Indes orientales, commerçant avec l'Amérique du Sud, l'Afrique puis l'Asie, est en effet créée en 1602 par la république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas. Dans sa "Description et éloge de la ville de Haarlem" (1628), l'historien Samuel Ampzing fait l'éloge de Jan Porcellis, le décrivant comme « le plus grand artisan dans les navires », ou « le plus grand marin de Haarlem ». Ses peintures, très prisées des amateurs de son vivant, ont continué bien après sa mort à être admirées. Il ne suscite pas l’admiration que de ses contemporains, mais aussi celle des peintres de la génération suivante, dont Ludolf Backhuysen qui le considérait comme le plus grand maître de la marine. Rubens, Rembrandt, Allaert van Everdingen, Jan van Capelle possédaient plusieurs de ses tableaux.

Un certain nombre d'indices indiquent une date probable de réalisation de cette toile autour du séjour de Porcellis à Haarlem, entre 1622 et 1624, période où l'artiste s'attache à rendre les mers bouillonnantes et les lacs agités. C'est ainsi après 1621, qu'il étudie et rend compte des conditions météorologiques changeantes, portant une attention aux nuages menaçants et aux éclaircies dans le ciel. Il étudie à cette époque l'influence des zones d'ombre et de lumière sur la surface de l'eau, notant avec précision de nombreux détails tant sur les bateaux que sur les figures. Alors que Jan Porcellis peint principalement sur bois, l'artiste a aussi utilisé le support sur toile, précisément entre 1622 et 1624, à Haarlem.

Avec de subtiles nuances de gris, une harmonieuse symphonie de bruns et de blancs argentés, le maître capte l'atmosphère d'une mer sauvage par temps orageux. La gamme colorée des hautes vagues et des tourbillons est d’ailleurs tout à fait contemporaine des peintres de paysages et de natures mortes dits "monochromes" des années 1620 : Pieter Claez, Willem Heda, Jan van Goyen, Salomon van Ruysdael. Notre tableau illustre son évolution vers plus d'ampleur spatiale que "Voiliers dans un coup de vent" de 1618 (47 × 71 cm, Haarlem, Frans Hals Museum), et donne l'illusion d'une étendue maritime immense, se prolongeant au-delà de la toile.

Notre tableau est probablement l'un des plus grands réalisés par cet artiste, l'un de ses plus ambitieux aussi, qui a du faire l'objet de la commande d'un particulier de premier plan. Cette toile inédite est une redécouverte majeure dans l'œuvre de Porcellis, grand initiateur de ce genre pictural et un ajout important à la connaissance de la marine en Hollande au XVIIe siècle.

Nous remercions la Professeur madame Gerlinde de Beer de nous avoir aidés dans la rédaction de cette notice. Elle inclura le tableau dans un monographie à paraître.
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