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Ouvrez la cage-boîte aux oiseaux

Samedi 01 avril 2023 à 07h

Cette semaine, Raymonde, de Pierrefitte-sur-Sauldre, propose à notre expertise une petite boîte en céramique colorée. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de cet objet.



Vous attribuez cette boîte, chère Raymonde, à l’artiste camarguaise Mithé Espelt, et vous avez tout à fait raison ! Née en 1923 à Lunel, Marie-Thérèse « Mithé » Espelt grandit au soleil du sud de la France, entourée des vignes que travaille sa famille. Issue d’un milieu favorable au développement de la fibre artistique qui pointe en elle, Mithé intègre à seulement 16 ans les Beaux-Arts de Montpellier où elle apprend la sculpture et le dessin. Dans les années 1940, elle part pour Paris, où elle travaille la céramique pour les créations des grandes maisons de luxe. Ce matériau deviendra alors la véritable spécialité de Mithé. En 1946, elle rentre au pays, en Camargue, et fonde son atelier. D’une diversité incroyable, l’œuvre de l’artiste se prolonge sur des décennies. De sa Méditerranée natale, Mithé tire la lumière et la chaleur uniques qu’elle retranscrit dans son travail. Ses miroirs, boîtes ou bijoux ont une aura réconfortante qui font son succès. Fleurs, oiseaux en tous genres ou encore motifs solaires sont la signature de l’artiste. On peut voir chez Mithé Espelt l’influence des arts orientaux, notamment byzantin ou égyptien. Une carrière couronnée de succès pour l’artiste de Lunel, qui se retire en l’an 2000, tout en ayant pris le soin de transmettre sa passion à sa fille, laquelle reprend son atelier. Mithé Espelt s’éteint en 2020, laissant derrière elle une œuvre complète et symbolique.

Votre boîte, Raymonde, est en bois laqué pour ce qui est de la structure, avec un couvercle en céramique émaillée polychrome. Le décor représente deux colombes affrontées, aux différents tons de bleu, tenant ensemble un rameau d’olivier vert. C’est une véritable ode à la paix que nous propose cet objet. En effet, depuis des millénaires, la colombe est un signe international de paix. Dans la Bible, l’oiseau immaculé annonce aux naufragés de l’Arche la fin du Déluge et le retour au calme. La branche d’olivier signifie que les eaux se retirent et laisse les végétaux reprendre leurs droits sur une Terre apaisée. L’art chrétien se saisit rapidement de ce symbole qui se multiplie dans les églises. Au XXe siècle, Picasso, connu pour son pacifisme, en fera également un idiome récurrent de son œuvre. La colombe trouve donc une place de choix dans l’œuvre de Mithé, artiste dont l’optimisme et l’espérance transpirent au travers de ses créations.

Les boîtes de Mithé Espelt sont généralement garnies de feutre ou de velours à l’intérieur, pour protéger les trésors qui y sont destinés. Mithé ne signait pas ses œuvres, sa démarche artistique humaniste s’éloignant d’une possible spéculation autour de ses créations, ce qui a parfois posé quelques problèmes à l’artiste, puisque certains de ses miroirs ont pu être faussement attribués à l’œuvre de Line Vautrin, par exemple ! Votre boîte, Raymonde, est probablement une création du début des années 1950, époque à laquelle de nombreux modèles similaires sont créés par l’artiste. Cependant, il est difficile de se prononcer avec exactitude, car, comme nous l’avons dit, Mithé a eu une longue carrière et ses œuvres ne portent pas de signes distinctifs. Cette jolie boîte, qui semble en bon état, pourrait trouver amateur aux enchères aux alentours de 200 euros. Une somme raisonnable pour cette artiste solaire, dont les créations pacifistes sont au goût du jour en ces temps troublés.
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