FR
EN

Précieuses pierres montées

Samedi 28 novembre 2015

Cette semaine Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, se penche sur un vase dont Valérie lui fait parvenir la photographie. Elle s’interroge sur sa matière, son utilité et sa valeur.

Ce vase à anses latérales présente un haut col évasé et repose sur un piédouche. Le corps adopte une forme tronconique bombée à l’épaulement. Vous aurez remarqué qu’il n’est pas constitué d’un seul et même matériau. En effet, le corps est en pierre et la monture en métal. Ce minéral présente une alternance de strates couleur crème et verte. Valérie pense à de l’albâtre mais sommes face à de l’onyx. Ces deux minéraux possèdent cependant des caractéristiques communes, en particulier la tendreté et la translucidité. En revanche, l’albâtre ne présente jamais de veinage marqué. Cet élément minéral possède une monture en laiton uni. Seules les anses, ornées de feuillages stylisés, sont ouvragées. De petite taille, ce vase est souvenir de voyage, probablement rapporté d’Afrique du Nord à la fin du XXe siècle. Reprenant la typologie des vases à offrande, il n’a pas d’autre utilité que son aspect décoratif. Virginie fait donc collection d’objets en pierre dure montées. Sait-elle qu’elle partage cette passion avec Louis XIV ?!

Les plus anciens vases de ce type qui nous sont connus sont âgés de 9 000 ans. Ils proviennent d’Iran et d’Afghanistan. Plus tard c’est l’Égypte qui se fait une spécialité de ce travail long et extrêmement minutieux. Objets de luxe très onéreux, il n’y a guère que Pharaon et ses dignitaires pour posséder une luxueuse vaisselle minérale. Les pierres les plus recherchées sont le porphyre, le marbre, le cristal de roche, le jaspe et l’agate. Les Égyptiens transmettent ce goût aux Grecs, puis aux Romains. Au Ier siècle après Jésus-Christ, ces derniers excellent en la matière. C’est l’âge d’or de la glyptique (art de la gravure et de la sculpture des pierres fines) Antique. Après la chute de l’Empire Romain, cette technique perd de sa finesse, excepté à Byzance. C’est cette dernière qui fournira la Cour des rois carolingiens et les Trésors de nos cathédrales. Ces pièces de forme sont bien souvent agrémentées de riches montures d’or, souvent émaillées et serties de pierreries. Au XIVe siècle, Charles V encourage cet artisanat et, à l’image de François Ier un siècle plus tard, enrichi les collections royales de précieux vases, nefs, aiguières et coupes. Mais c’est véritablement LouisXIV qui montrera une passion démesurée pour ces objets. Il envoi des émissaires aux quatre coins de l’Europe. Ils sont tout spécialement chargés de les repérer et de les acheter à prix d’or. Ainsi, le Roi-Soleil va constituer la plus fantastique collection d’objets en pierre dure. Elle compte plus de mille pièces ! Une partie est exposée au Louvre, aux côtés des bijoux de la Couronne, dans la célèbre Galerie d’Apollon.

La collection de Virginie rivaliserait-elle avec celle de Louis le Grand ? Malheureusement pas. Son vase moderne ne présente pas une grande qualité d’exécution et n’a aucun caractère de rareté. Il ne se négociera pas au-dessus de 10 € en brocante. Mais ce n’est pas rien de partager ce goût avec les Pharaons, les empereurs romains, les rois carolingiens, Charles V, François Ier, les Médicis et Louis XIV !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :