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EN FRANCE, L’ÉTAT VOUS PREND DÉSORMAIS TOUT, SOIT 100 % !

Samedi 01 octobre 2022

Aladin, propos recueillis par Frédérique Maupu-Flament

La vente aux enchères du trésor de Tavers avait fait tant de bruit que l’étude Rouillac finit par l’annuler pour la remplacer par une vente de gré à gré. Me Rouillac pose ici dans le champ où a été découvert le trésor de Tavers, un Ensemble de parures et d’armes du VIe siècle avant Jésus-Christ.
Aymeric Rouillac, commissaire-priseur à Vendôme et Tours, a vendu le dernier trésor qu’il était encore possible de vendre en France. Il nous explique comment la France a mis en place, il y a quelques années, un système confiscatoire à 100 % de tous les trésors trouvés sur son territoire.
« En Angleterre, on déclare mille trésors par an ! En France, on en déclare zéro par an, depuis 2016. »

En 2019, la vente du trésor de Tavers a suscité une polémique terrible dans laquelle vous avez été atteint. Pouvez-vous nous en rappeler les grandes lignes ?

« En février 2012, des détectoristes, entendez des personnes équipées de détecteurs à métaux, ont trouvé un trésor datant de l’âge du bronze dans le champ d’un agriculteur. Il faut savoir que les détectoristes et les archéologues officiels se livrent une guerre sans merci. Les archéologues reprochent aux détectoristes leurs méthodes non scientifiques. Le paysan avait autorisé deux détectoristes à effectuer des recherches dans son champ. Quelque temps après la découverte, il a eu la surprise de voir le maire et un responsable de la DRAC surgir chez lui en le menaçant. Le trésor a été saisi. On l’a traité de monstre, de pilleur de mémoire. C’était très violent. »

Depuis 2016, sous François Hollande, la loi déclare toute trouvaille archéologique, même en terrain privé, propriété à 100 % de l’État. Pourquoi le trésor était-il en la possession du découvreur ?

« La découverte a été faite en 2012, donc le trésor de Tavers échappait à cette règle. Pourtant, on déposséda le découvreur, et ce pendant trois ans. Les archéologues se sont alors penchés sur le sujet. En 2018, on finit par lui rendre. Mais, le mal était fait. »

Qu’entendez-vous par là ?

« Ce pauvre homme a été insulté, raillé, malmené. Quand il nous confie le trésor pour le vendre, nous sommes à notre tour pris pour cible. Une incroyable campagne de dénigrement se déchaîne contre nous. Nous sommes traités de vautours, de pilleurs de tombe… Les réseaux sociaux bruissent d’insultes. Un fonctionnaire de la DRAC appelle les Gilets jaunes à mettre ma tête au bout d’une pique. Un archéologue explique qu’on devrait régler ça à coups de truelle, dans un bassin avec des carpes, parce que les carpes rongent les os. »

Comment en est-il venu à vous proposer la vente ?

« Les fonctionnaires de la DRAC, à qui il demande naïvement comment il pourrait le vendre, lui répondent avec mépris : “Voyez un brocanteur !” Un bijoutier lui conseille de s’adresser à un commissaire-priseur. Nous avions vendu le trésor de Montrichard en 2008, partagé entre les découvreurs et le propriétaire. À l’époque, nous avions demandé une autorisation de sortie du territoire pour permettre au trésor d’être proposé à des acquéreurs de toute l’Europe. Non seulement cela nous a été refusé, mais l’État l’a classé “trésor national” ; ce qui a interdit toute sortie de France durant trois ans, le temps que l’État puisse s’en porter acquéreur. Nous étions épuisés, consternés. Toutes ces manoeuvres ont eu raison de notre pugnacité. Avant le classement en trésor national, nous avions estimé l’ensemble à 100 000 euros. Nous finirons par le laisser partir pour la moitié de la somme lors d’une vente de gré à gré entre le vendeur et le Musée de Saint-Germain-en-Laye. »

Qu’est-ce qui pourrait assainir la situation ?

« Un treasure act qui protège l’inventeur du trésor comme au Royaume-Uni. Quand une personne fait une découverte, il y a enquête. On propose un prix fixé par des experts et si la personne refuse, elle récupère son bien. En Angleterre, on déclare mille trésors par an ! En France, on en déclare zéro par an depuis 2016, alors que le potentiel est bien plus important. Les ventes se font sous le manteau. Il n’est même pas besoin d’aller sur le Darknet (les sites souterrains non accessibles directement) pour voir des monnaies anciennes ou des objets archéologiques se négocier en échappant aux radars. La sévérité de cette loi encourage la fraude. »
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