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Une petite histoire du siège

Samedi 14 novembre 2015

Cette semaine, Angèle écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, concernant une suite de six chaises.

Chers lecteurs, dans quelle position êtes-vous en train de lire cet article ? Je gage que vous n’êtes pas debout et qu’il y a peu de chances pour que vous soyez allongé.Accroupis ? Probablement pas. Assis ? Certainement. Et peut-être même avachis dans un confortable fauteuil. Et quelle évidence ! Dans notre société occidentale, nous sommes sans cesse assis. Pour les repas, pour voyager, pour patienter, pour converser, certains pour travailler, etc. Cette position,qui nous paraît pourtant on ne peut plus commune, est fort singulière dans d’autres cultures. Rendez vous donc avec une table haute et des chaises de salle à manger chez l’habitant, en Inde, au Japon, en Orient ou encore dans la forêt amazonienne… À quelques exceptions près, vous serez drôlement reçus !

S’assoir sur un siège manufacturé est d’abord, dans une majorité de cultures, réservé aux dieux, aux rois et aux prêtres. En France, bancs et sièges ne font leur apparition dans les églises qu’à la fin du XVIe siècle ! Ce sont les Grecs qui, sous l’Antiquité, diffusent ce meuble en Europe. Il est déjà connu depuis près de 5 000 ans en Égypte.Certains, déposés dans les tombeaux des Pharaons, nous sont parvenus parfaitement conservés. À cette époque, rien de très confortable… L’assise est faite d’une planche de bois ou de lanières, soit végétales, soit en cuir, sur lesquelles on pose un coussin. L’armature est en bois, ou en bronze pour les modèles les plus riches. Et cela ne changera guère avant la fin de la Renaissance. C’est durant cette période que le fauteuil à assise fixe apparaît. Sous Louis XIII, le rembourrage s’épaissit, le dossier s’incline, l’assise s’abaisse. Voilà qui permet enfin de piquer un somme, confortablement installé ! Sous Louis XIV, c’est l’apparat qui compte à nouveau.
Une étiquette drastique régit la hiérarchie du siège à la Cour de France. Gare à qui s’assoie sur un fauteuil alors que son rang le lui interdit ! Le XVIIIe siècle donne naissance à des sièges plus fins, plus petits, plus intimes. Après l’Empire, un seul leitmotiv : du confort ! De nouvelles formes, inspirées de modèles anglais, arrivent en France. Ce n’est pas le cas des chaises de notre lectrice…!

Elles sont en bois tourné teinté, sculpté et ajouré de feuillages. Certains montants sont torsadés, d’autres en balustres. Leur forme s’inspire dans l’ensemble de ce qui se faisait avant le XVIIe siècle. De façon plus générale, elles héritent du qualificatif « style Henri II ». Mais ce Roi qui succombe en 1559 après un tournois n’a jamais vu un tel siège et n’a encore moins pu y poser un instant son séant. Malgré cela, les dés de raccordement à fleurons sont de style LouisXVI et le traitement des feuilles n’est pas sans rappeler ce qui se fait dans le Sud de l’Allemagne au XIXe… Voilà donc six chaises de salle à manger de style composite, munies d’une assise à cannage. Elles datent de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. Malheureusement, leur cote sur le marché de l’Art est inexistante.Passées de mode, trop rustiques, trop sombres et passablement inconfortables, vous n’en tirerez pas plus de 10 €pièce.
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