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La Tour Eiffel sur un verre en cristal

Samedi 28 novembre 2020 à 07h

Cette semaine, Mireille, de la Chaussée-Saint-Victor nous fait parvenir la photographie d’un verre. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Quoique présentant une forme cylindrique relativement commune, le verre de notre lectrice n’a pas seulement une fonction utilitaire. Loin de là. Son décor gravé à la main et ses inscriptions nous plongent cent trente et un ans en arrière… à l’Exposition universelle de Paris de 1889 et l’inauguration de la Tour Eiffel. C’est effectivement un verre « souvenir » de l’ascension de la dame de fer, qui n’est pas sans rappeler les verres de pèlerinages ou des premiers bains de mer et des stations thermales. En comparaison et de façon plus prosaïque, c’est en quelque sorte le magnet aimanté que l’on colle aujourd’hui sur nos frigidaires pour se rappeler nos voyages. Mais à la différence de nos souvenirs contemporains, ces verres sont personnalisables. Le visiteur peut préciser la date de sa visite – en l’occurrence le 23 août 1889 – et ses initiales. C’est donc une entreprise très lucrative que de proposer ces verres en cristal fin. Près de 2 millions de visiteurs découvrent la Tour Eiffel entre le 5 mai et le 31 octobre 1889, soit 12.000 personnes par jour.

La tour est à elle seule l’image de l’exposition. Prenant place sur le champ de Mars, elle est un véritable phare de 312 mètres de haut retenant toute l’attention des visiteurs. Et pour cause, elle est le monument le plus haut du monde à cette époque. Le Chrysler Building érigé New-York ne la dépasse que de 19 mètres seulement quarante ans plus tard. Ces records sont possibles grâce au développement de l’architecture métallique qui se présente comme une ode à la pensée rationnelle des ingénieurs. Le premier monument de fer naît en Angleterre en 1779. À la suite de cet Iron Bridge, le Ponts des Arts reliant le Louvre à l’Institut est construit sous le Consulat de Bonaparte.

Si la construction de ponts en métal revêt une dimension pratique, quel peut-être l’intérêt de construire une « tour de 300 mètres » ? Son érection est à l’évidence une démonstration de puissance pour le pays constructeur. L’idée naît en 1876 aux États-Unis à l’Exposition universelle de Philadelphie. Si le projet est abandonné faute de financement, il est en revanche repris en France par plusieurs entreprises dont celle de Gustave Eiffel, qui réussit imposer le projet. En outre, la Tour de Paris prévoit de commémorer le centenaire de la Révolution française.

La Tour Eiffel ne fait toutefois pas l’unanimité. La place qu’elle occupe dans le paysage parisien est en grande partie responsable. Des protestations sont ainsi formulées « contre la tour de M. Eiffel ». « Squelette de beffroi » pour Paul Verlaine, elle est qualifiée de « tuyau d’usine » par Huymans. Sauvée par son succès populaire, la Tour Eiffel rend également des services à la science. Une première liaison téléphonique est établie entre elle et le Panthéon dès 1893 par exemple. Mais que serait Paris sans la Tour Eiffel pour les étrangers comme pour chaque français. Les innovations technologiques sont souvent les premières rejetées, que l’on se souvienne de la pyramide du Louvre en 1983 par Pei…
Le verre en cristal de notre lectrice n’est pas unique et peut être estimé autour de 30 euros. Mais il est un formidable outil pour porter un toast en souvenir de l’ascension de la Tour Eiffel ce 23 août 1889 !
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