Pierre et Jocelyne Noury
Lundi 02 novembre 2020
Un couple face à sa passion de l'Art Déco
Pas une semaine ne passe sans dévorer les pages de la Gazette Drouot, prêts à traverser la France à bord de leur DS pour participer à une vente à Pau ou à Nice, à la recherche de l’objet rare. Pas une semaine sans que le téléphone ne sonne, alerté par les antiquaires de leurs dé- couvertes d’un beau meuble, que ce soit Jean Battais, place du Parlement de Bretagne à Rennes, ou Jean-René Lécuyer à Dinard. Avec les tourangeaux Philippe Thélin et Thierry Gon- zal l’entente frise la perfection, la confiance mu- tuelle étant ce qu’il y a de plus rare sur le marché de l’art. Les visites se succèdent, ponctuées par l’accueil sur les stands des salons de Rennes, d’Angers ou d’ailleurs. Pierre et Jocelyne Noury se décident rapidement, sans se laisser effrayer par les prix importants qui peuvent être demandés, de la même manière qu’aucune enchère ne leur échappent lorsqu’il jettent leur dévolu sur une pièce.
Lui, grand et mince, un meneur charismatique, pas d’un abord facile, mais au goût sûr... un homme droit qui a le sens de la parole donnée. Elle, rennaise, blonde comme les blés, gouverneur du Lion’s club, d’une élégance folle, aussi amoureuse de lui qu’il l’est d’elle, et qui toute sa vie a assumé la charge administrative d’une entreprise qui préfère construire peu et privilégie les projets d’exception : en centre-ville ou face à la mer. Le Sagittaire au parc de Procé à Nantes, Le parc fleuri à Angers, Le grand large à Dinard, Le grand pavois à Saint-Quay-Portrieux et tant d’autres immeubles à Saint- Malo ou à Rennes...
À l’unisson dans leur vie professionnelle, Pierre et Jocelyne Noury collectionnent d’une même voix les meubles qu’ils désirent. Un jour que Pierre assiste, seul, à une réunion profession- nelle à Paris, il rentre le soir fasciné par une im- mense enfilade découverte sur le trajet du retour rue Bonaparte. Le lendemain matin le couple prend le train en direction de la galerie de Félix Marcilhac et lui achète son spectaculaire argentier de Ruhlmann, chez qui la transition avec les grands ébénistes des belles époques est si f luide. Prolongeant leurs promenades dans le quartier de Saint-Germain-des-Près, visitant les expositions parisiennes, le couple se forme l’oeil au gré de ses découvertes et de ses lectures.
Après le décès de Pierre, Jocelyne élague la col- lection, réaménageant un nouvel appartement, et confie au feu des enchères ce qui a fait leur vie de passions réciproques. Un sentiment de reconnaissance étreint donc le commissaire-priseur qui s’apprête à disperser le fruit de ce regard commun, de même qu’une grande émotion animera les amateurs, prêts à enchérir sur ces meubles choisis, qui font l’âge d’or des décorateurs.
Aymeric Rouillac