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Le Christ enfant des Le Nain apparaît en Vendée

Vendredi 10 avril 2020

extrait de "Adjugé ! La Saga des Rouillac"
par Aymeric Rouillac

"Les artistes étrangers sont si bien accueillis dans cette France « mère des arts, des armes et des lois » chère à du Bellay, qu’il devient difficile de savoir ce qui relève du seul génie national. Lorsqu’un lundi d’octobre 2017 mon regard s’arrête sur le Christ enfant méditant sur la Croix accroché à un mur vendéen (cat. 36), un trouble me saisit. Impossible de retrouver cette image dans toute la peinture euro- péenne. L’expert Stéphane Pinta est affirmatif, il s’agit du travail des frères Le Nain : les peintres les plus français du Grand Siècle. Originaires de Laon en Picardie, ils sont les figures de proue de leur siècle, avec Poussin et de La Tour. Contrairement à beaucoup d’autres, ils n’ont pas voyagé en Italie et représentent donc la quintessence de l’esprit français. Mais ces trois frères académiciens, qui ont créé le premier collectif de l’histoire de l’art en effaçant leurs individualités derrière la signature générique « Le Nain », tombent dans l’oubli après la mort des deux aînés en 1648. La peinture, encore sur sa toile d’origine, figure le Christ, au beau visage d’un enfant de 7 ans, les yeux bleus au regard pénétrant et aux cheveux blond vénitien se détachant dans un halo crépusculaire. Il a les mains sur le cœur et est agenouillé au pied de la Croix, méditant sur les instruments de la Passion éparpillés devant lui. Le garçon est l’un des modèles d’atelier de la fratrie, que l’on reconnaît sur d’autres tableaux. La lumière qui déchire le ciel dans une relecture de l’Évangile de la Passion est saisissante. Notre fils Gabriel, 10 ans, me fait remarquer que cet enfant annonce la Résurrection : « Regarde papa, la lumière vient de lui ! » L’absence de référence littéraire pour cette scène témoigne de la profonde spiritualité de ces peintres, qui créent ex nihilo de nouveaux canons artistiques face à la réforme protestante. L’aventure qui suit sera regardée par plus de six millions de téléspectateurs sur France 2.

Une confrontation de notre toile est en effet organisée au musée du Louvre, au terme de laquelle, s’il est difficile de trancher entre Antoine, Louis et Mathieu, une réalité s’impose : ce tableau fait partie de leurs chefs-d’œuvre. À la bonne nouvelle pour les propriétaires succèdent les fourches caudines d’un classement «trésor national », interdisant pendant trente mois l’exportation de ce tableau hors de France. Une vente à New York, quelque mois plus tôt, fixe à 982 000 euros le record mondial pour les Le Nain. Mais nous rêvons plus grand. Faute de proposition rai- sonnable des musées nationaux pour faire entrer cette toile dans les collections publiques, la vente aux enchères est décidée avec une certaine appré- hension. Lors d’une vente Garden-Party toutes les surprises sont possibles... Dans la salle surchauffée du château d’Artigny, trois collectionneurs français présents physiquement dépassent sans sourciller la mise à prix d’un million d’euros et établissent à coups d’enchères multimillionnaires un nouveau record pour les Le Nain – à plus de trois fois le record new-yorkais. L’absence de préemption des musées est analysée par la presse comme « un fiasco de plus concernant les trésors nationaux ». L’enchérisseur, lui, ému aux larmes, se laisse simplement gagner par la poésie silencieuse de cette délicate image de la Contre-Réforme. Le royaume des cieux appartient aux petits enfants !"

"Adjugé ! La saga des Rouillac"
240 pages, 450 photos, 39 € aux éditions Monelle Hayot

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