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Photosculpture d’une aristocrate

Dimanche 16 juin 2019 à 14h

en biscuit par Willème et son atelier à l’occasion de l’Exposition Universelle 1867

François WILLÈME (Sedan, 1830 - Roubaix, 1905) et son atelier

Portrait d’une aristocrate, c. 1867


Biscuit de porcelaine, figurant fidèlement une femme en grande tenue et à la coiffure raffinée grâce aux techniques de la photosculpture. Mention « Photo-sculpture de France » sur la base

Haut. 48,5 Diam. 37,5 cm.
Sous une cloche en verre et un socle en bois noirci (Haut. 56, Diam. 41 cm).

Provenance : collection Boutet de Monvel, vente à Paris, Me Ferri, 14 octobre 2016 « Dans l'intimité de la famille Boutet de Monvel », n°106.

A white biscuit photosculpture of an aristocrat by Willème and his workshop for the 1867 Universal Exhibition

Références :
• « Spectaculaire Second Empire », Musée d'Orsay, septembre 2016-janvier 2017, éd. Graphius, 2016.
• « Photosculpture, Manufacture Gille, La Dame en crinoline », 1860-1870, Compiègne, musée national du Palais, pour un biscuit en pied d'une jeune femme richement vêtue.
• François Willème, Buste de femme, Musée George Eastman House à Rochester.
• François Willèle, Portraits en pied des acteurs de la Comédie française, Musée Carnavalet à Paris.

« La photosculpture et son pavillon lors de l’Exposition universelle de 1867 »

La photosculpture est brevetée vers 1859-1860 par François Willème. Peintre, photographe et sculpteur, il développe une technique mécanique permettant la reproduction des objets en combinant l'utilisation du pantographe avec celle de l'appareil photographique peaufinées par les techniques de finition et de reparure de la sculpture. Ses ateliers du 42 avenue Wagram à Paris proposent médaillons, statuettes, bustes et camées en seulement dix secondes de pose. À l'Exposition universelle de Paris en 1867, la photosculpture présente même son propre pavillon, réalisant tant les portraits de la famille royale d’Espagne que ceux des acteurs de la Comédie-Française. Notre biscuit livre un portrait en pied d'une aristocrate plus vraie que nature, rappelant cet art quasi-oublié, ancêtre de l'impression en trois dimensions.

« La photosculpture », par Théophile Gautier, Le Monde illustré, 17 décembre 1864, p. 398.

C'est une vaste rotonde au plancher recouvert de fines lattes, aux murailles d'un ton doux et neutre, ne contenant aucun instrument, aucun appareil de structure bizarre ou compliquée. Vingt-quatre consoles, appliquées à la paroi circulaire, soutiennent les statuettes ou les bustes des divers personnages dont la photosculpture a reproduit les traits. De la coupole descend un fil à plomb terminé par une boule argentée juste au-dessus de deux disques superposés que divisent des lignes noires répondant à des numéros. Vous montez sur ces deux disques formant estrade, vous y prenez la pose qui vous est la plus naturelle et la plus familière ; l'opérateur compte dix secondes et vous prie de descendre. Il n'a plus besoin de vous. Déjà vous êtes saisi dans tous vos profils et mis au point par des praticiens invisibles.

En effet, sous l'ombre des consoles brillaient vingt-quatre yeux, vingt-quatre objectifs que vous n'avez pas vus, mais qui vous regardaient et transmettaient votre reflet à autant de daguerréotypes placés dans un couloir tournant autour de la rotonde. Ces daguerréotypes s'ouvrent et se ferment simultanément au moyen d’un mécanisme aussi simple qu'ingénieux. Ils livrent vingt-quatre images de la même personne ou du même objet prises sous tous les aspects possibles. C'est un œil merveilleux qui vous entoure et vous enveloppe, au lieu de vous percevoir, comme l'œil ordinaire, sous un seul angle d'incidence.

Parfois, il arrive que le modèle, ignorant encore les procédés de la photosculpture, s'étonne qu'on ne lui apporte pas au bout de quelques minutes une statue toute faite, car c'est un des signes du temps que cette confiance sans bornes aux miracles de la science ; mais les choses ne se passent pas tout à fait de même en photosculpture qu'en photographie. La statue n'apparaît pas aussi vite que l'image ; il faut un peu plus de temps et de travail pour la dégager de son bloc.

Maintenant, quittons la lumineuse rotonde et entrons dans le cabinet noir où le mystère s'achève. L'invention de M. Willème, le créateur de la photosculpture, repose sur ce principe, que tous les profils d'un corps réunis en donnent le relief. L'idée est simple et vous frappe par son évidence ; mais il n'en fallait pas moins une singulière ingéniosité pour tirer une statuette de vingt-quatre cartes photographiques ne présentant, naturellement, aucune épaisseur.

Nous allons tâcher d'expliquer clairement le procédé qui transforme en ronde-bosse une suite d'images plates. Les photographies, ou pour parler d'une façon plus exacte, les clichés sur verre, sont encastrés par numéros d'ordre au bord d'un disque où leur place est découpée. Ce disque tourne avec un mouvement gradué, comme la roue d'un gouvernail, vis-à-vis une glace dépolie. On amène en face d'un objectif de lanterne magique le cliché transparent enchâssé dans le disque opaque. L'image lumineuse et grandie dix fois se projette sur la glace. C'est le cliché no 1. Placé derrière la glace comme un écolier qui calquerait une gravure contre un carreau, un opérateur suit avec la pointe d'un pantographe tous les profils que donne l'image réfléchie. À l'autre bout du pantographe, une seconde pointe fouille une masse de terre glaise, y découpant une première silhouette. Cet aspect épuisé, on fait tourner le disque et l'on présente le no 2 sur lequel le même travail a lieu. La pointe-ébauchoir, obéissant à l'impulsion de la pointe crayon, abat encore de la terre et dégage un second profil ; chaque numéro apporte sa ligne essentielle, son détail caractéristique ; la masse d'argile s'évide, s'allège, prend figure; les traits du visage se dessinent, les plis des vêtements s'accusent : le reflet s'est transformé en corps.

Une statuette est née d'une image, ou, pour mieux dire, de plusieurs images condensées et rapprochées l'une de l'autre par un art qui semble magique. Sans modèle, sans maquette, un praticien mécanique vous a mis au point avec une exactitude impeccable une statue dont l'original n'existe pas. Il a suffi pour cela de deux douzaines de croquis faits en dix secondes par la lumière. Qui eût pu se douter autrefois qu'on parvînt jamais à modeler un rayon de soleil ? C'est pourtant ce qu'a fait M. Willème, dans le sens le plus strict du mot.

Quand le disque a fait son tour, la statuette est achevée. Il suffit de rabattre du pouce les imperceptibles filaments que laissent les interstices des profils, de même qu'on gratte les coutures sur les pièces d'un moulage.
En cet état, on peut en faire un bon creux et en tirer autant d'épreuves qu'on le jugera nécessaire.
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