D’anciens élus ne veulent pas faire une croix sur l’Enfant-Jésus
Lundi 09 avril 2018
L'Union, Marie-Christine Lardenois
Vingt-huit ans après l’acquisition du Concert, faut-il partir du principe que la messe est dite pour l’Enfant-Jésus ou tenter le tout pour le tout ? Retour en 1990.Le Concert, acquis en 1990, est devenu la pièce maîtresse du musée de Laon. Disposer d’un deuxième chef-d’oeuvre des peintres locaux tiendrait peut-être du miracle.
Quelques voix s’élèvent pour observer qu’en 1990, la Ville avait réussi à acquérir Le Concert, son unique tableau des Frères Le Nain devenu la pièce maîtresse du musée. Que faudrait il faire aujourd’hui pour acheter la deuxième oeuvre qui représente Jésus, enfant, examinant les signes de la Passion ? Pourquoi est-ce devenu si compliqué de se procurer une toile des artistes de Bourguignon ? « C’est une affaire de volonté politique. Et là, je ne la sens pas », affirme un élu du conseil municipal de l’époque.
« À ce moment-là, le conseil général et le conseil régional nous avaient soutenus. Et les Laonnois avaient contribué à la hauteur de leurs moyens, envoyant parfois des chèques de 10 francs. Il y avait eu une très forte mobilisation. On devrait réessayer. On ne devrait pas partir perdants.»
Jean-Claude Lamant était aux manette cette année-là. Il se souvient : « J’étais maire et vice-président du conseil général. C’était du temps de Paul Girod au Département. Nous n’avions que des copies au musée et nous trouvions cela dommage de n’avoir aucune toile », dit-il.
“Les collectivités territoriales n’étaient déjà pas bien riches. Aujourd’hui, elles sont franchement pauvres” Jean-Claude Lamant
« Nous avions peur que des Américains ou des Japonais puissent l’emmener. Nous nous sommes arrangés avec le Département et la Région qui ont donné des subventions conséquentes. Et Pierre Rosenberg, directeur du musée du Louvre, a été notre guide. On lui a fait réaliser une expertise car nous voulions être certains que le tableau était authentique et il nous a aidé tout au long du parcours, nous indiquant la meilleure façon de procéder. Nous avons réussi à acheter la toile. » L’ancien député-maire reconnaît que les collectivités territoriales n’étaient déjà pas bien riches et qu’aujourd’hui, elles sont franchement pauvres. Ce qui ne facilite pas l’opération. Interrogé sur le sujet, Philippe Douchain, alors adjoint, relate qu’il tenait beaucoup à cette acquisition. Il n’y avait pas eu de tableau des Le Nain sur le marché depuis 1948. Il était assez côté. Il nous livre aussi quelques petits dessous de l’affaire. « Nous avons fait en sorte de faire enchérir un représentant de l’État pour que les collectionneurs privés n’osent pas monter davantage sur les enchères. Celles-ci avaient lieu à Monaco. Nous connaissions la mise à prix et Pierre Rosenberg était arrivé la veille et avait fait le tour des collectionneurs et mandataires.
Il y avait d’autres oeuvres à vendre le même jour sur lesquelles ils pouvaient jeter leur dévolu et ils ne tenaient pas à se mettre à dos un représentant culturel de ce niveau. » Philippe Douchain estime qu’il faudrait faire vite maintenant pour avoir une petite chance. Une prière ne devrait pas suffire pour faire revenir L’Enfant-Jésus.
LA MISE À PRIX EST À UN MILLION D’EUROS
L’Enfant-Jésus est agenouillé dans un paysage vespéral, méditant devant les instruments de la Passion. Le tableau, probablement exécuté entre 1642 et 1648, se trouvait chez une Vendéenne qui voulait le vendre sans se douter de savaleur. Il sera mis en vente aux enchères le 10 juin au château d’Artigny, près de Tours, en Indre-et-Loire. Il lui avait été offert par sa grand-mère dans les années 50. La mise à prix a été fixée à 1 million d’euros. Comme le veut la procédure, les commissaires-priseurs en charge de la vente ont demandé une autorisation de sortie du territoire pour le tableau. « L’État donnera sa réponse d’ici la fin du mois d’avril, s’il était considéré comme “Trésor national”, les acquéreurs pourraient bénéficier d’avantages fiscaux. »