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Rochambeau dans la poche !

Samedi 18 février 2017

Cette semaine, Christine sollicite Aymeric Rouillac, commissaire-priseur pour l’aider à identifier deux portraits « dans la famille depuis plusieurs générations » qui représenteraient « le comte et la comtesse de Rochambeau. »



Laissez-moi vous conter entre deux selfies l’histoire de ces petits portraits que l’on nomme miniatures. Ce mot vient du latin miniare qui signifie « écrire au minium », avec un oxyde de plomb rouge-orangé afin de tracer les lettrines sur les manuscrits. Au Moyen-Âge, l’art de l’enluminure se développe, s’enrichit de pigments, se complexifie. L’artiste « miniator » devient enlumineur et réalise des compositions d’une grande finesse. La miniature désigne alors une peinture réalisée pour un livre avec minutie. De petites dimensions, elle illustre le texte d’un ouvrage.L’exemple le plus célèbre est celui, au XVe siècle, des « Très riches heures du duc de Berry ».

À l’époque de François Ier apparaissent les premiers portraits en miniatures qui ne sont pas associées à un livre. L’art du portrait devient même une nécessité sociale. Toute personne de qualité se doit de se faire portraiturer, question de rang, d’apparat. Offrir son portrait à quelqu’un est également un gage d’amour, ou d’amitié. Un petit format est parfaitement adapté à cette pratique. Dans les grandes familles, c’est bien souvent la raison qui primait sur l’amour. Ainsi, les futurs mariés se découvrent d’abord par le truchement de leur portrait miniature et physiquement…bien plus tard ! En attendant, l’être aimé se glisse au fond de votre poche ! Pour leur plus grand bonheur, les miniaturistes français prennent l’habitude, à partir de la fin du XVIIIe siècle, de peindre sur une feuille…d’ivoire ! La couleur laiteuse de ce support donne à la peau une transparence et une blancheur incomparables. La naissance de la photographie sonne le glas du portrait miniature, qui disparait à la fin XIXe siècle.

Les portraits de notre lectrice sont eux aussi peints sur une fine plaque d’ivoire et datent a priori du début du XIXe siècle. Leur finesse montre qu’ils ont été réalisés par un miniaturiste talentueux, mais ils sont en revanche en bien piteux état. La couche picturale est usée la plaque d’ivoire du portrait d’homme est fendue. Christine a omis de nous donner les dimensions mais pas de nous raconter l’histoire familiale de ces portraits qui seraient ceux du comte et de la comtesse de Rochambeau.

Sa famille à elle est originaire de Lorraine et un de ces ancêtres a travaillé pour les Rochambeau au début du XIXe siècle. En cherchant un petit peu, il se trouve qu’à cette époque, le petit-fils du Maréchal, Philippe de Rochambeau est officier au 1er régiment de chasseurs à cheval, en garnison dans la Meuse ! La dame serait alors son épouse Élisa ? Il ne nous est donc pas interdit de penser que ces portraits sont bien ceux du Comte de Rochambeau, avant qu’il ne prenne le titre de Marquis à la mort de son père.

L’ancêtre de Christine les a probablement reçus en remerciement pour de bons et loyaux services. Mais prudence… Le bonnet de la dame semble en effet plutôt être celui d’une bonne bourgeoise, sans bijoux ni châle, que d’une dame de la haute noblesse… Sans évoquer la différence de génération : le fils et sa mère ? Il faudrait pouvoir comparer ces portraits avec un éventuel portrait de famille conservé au château de Rochambeau.

Nous ne pouvons rien affirmer, mais si cette histoire est vraie, elle donne une petite valeur à ces miniatures, autour de 200 €. Dans le cas contraire, du fait de leur mauvais état et de l’absence de signature, comptez sur une cinquantaine d’euros.
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