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LE MONDE ONIRIQUE DE CHOMO

Vendredi 08 janvier 2016

La Croix, Xavier Renard

http://www.la-croix.com/Culture/Expositions/Le-monde-onirique-de-Chomo-2016-01-08-1401736

Six ans après la grande rétrospective au Musée d’art brut de la Halle Saint-Pierre à Paris, le château de Tours expose cinquante œuvres de cet artiste de la décroissance, imprécateur écologiste avant l’heure.

Un grand totem devant L’Église des pauvres construite par Chomo en grillage et poutres. Elle est ornée de vitraux taillés dans des tessons de bouteilles.


Roger Chomeaux dit Chomo (1907-1999) avait pris conscience, avant tout le monde, de l’inexorable désastre dans lequel l’industrie moderne et productiviste allait plonger le monde. « Nous sommes à la fin d’un cycle, la fin d’une civilisation, et j’ai conscience que mon rôle est de remettre à jour les civilisations perdues. »

L’œuvre visionnaire de cet artiste inclassable et incandescent, qui a vécu pendant quarante ans en ermite dans la forêt de Fontainebleau, loin du Tout-Paris, est présentée au château de Tours.

L’inspiration abstraite de ses tableaux

Aymeric Rouillac et Laurent Danchin, commissaires de l’exposition « Faites un rêve avec Chomo », lui rendent un hommage posthume, six ans après une première rétrospective à la Halle Saint-Pierre à Paris. Ils ont mis en scène ses œuvres de façon chronologique pour aider les visiteurs à saisir les ressorts de son évolution.

« On fait souvent une confusion en classant son œuvre dans l’art brut à cause de son mode de vie et de son utilisation de matériaux de récupération. Mais c’est de l’art moderne », souligne Laurent Danchin, son ami et son plus fervent défenseur (1).

Une première salle appelée « Chomeaux avant Chomo » relit sa période académique, très marquée par sa formation aux Beaux-Arts de Paris, et à l’inspiration abstraite de ses tableaux, qui font suite à son emprisonnement au Stalag.

« Pour lui, l’art n’était pas fait pour être vendu »

Sa rupture avec Paris survient en 1960, après une exposition très médiatisée à la galerie Jean-Camion. Au sommet de sa gloire, il se fâche avec les invités et refuse, durant la même période, de céder l’un de ses « bois brûlés » que la Communauté européenne espérait acquérir pour en faire son emblème.

« Pour lui, l’art n’était pas fait pour être vendu. Il décide alors de tourner le dos à la société parisienne et part s’installer dans une petite maison, au milieu des arbres à Achères-la-Forêt », poursuit Laurent Danchin.

Cette cassure marque logiquement la transition vers les trois autres salles de cette formidable exposition, fourmillant de détails, d’écrits, d’illustrations sonores et photographiques, éclairant le regard du visiteur sur les peintures et sculptures, de personnages à la bouche ouverte, aux regards tournés vers un ailleurs.

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Un maître dans l’art du recyclage

Vivant dans le plus grand dénuement, coupé du monde, sans eau ni électricité, Chomo passe le restant de ses jours à « désapprendre » ce qui lui avait été enseigné et à inventer son langage artistique, « sous-tendu par une inspiration poétique, aux forts relents de spiritisme, de philosophie naturelle et d’animisme ».

Il devient maître dans l’art du recyclage pour construire son « village d’art préludien ». Poutres et grillage à poules lui servent à échafauder son Église des pauvres, ornée de vitraux taillés dans des tessons de bouteilles.

Laissé à l’abandon, ce royaume de bric et de broc a été restauré l’été dernier par Fabrice Azzolin, enseignant à l’École des beaux-arts de Nantes, avec une équipe d’étudiants. Pour en faire, selon les vœux de Laurent Danchin, un lieu de rencontres culturelles perpétuant l’héritage artistique, spirituel et philosophique de ce créateur hors norme.

Xavier Renard (à Tours)

(1) Laurent Danchin a réalisé un livre d’entretien avec Chomo (Chomo, un pavé dans la vase intellectuelle, Éd. Jean-Claude Simoën).

Jusqu’au 14 février 2016, au château de Tours. Ouvert du mardi au dimanche de 14 heures à 18 heures. Tél. 02.47.61.22.22.
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