ARTS+DESIGN #9
Lot 146
Edouard Marcel Sandoz (Suisse, 1881-1971)
« Grand-Duc », tête à gauche, 1933
Bronze à patine brune.
Signé.
Cachet de fondeur "Cire Perdue Paris E. Robecchi".
Fonte unique.
Haut. 53,5 Larg. 28 Prof. 23 cm.
Provenance :
- collection atelier Edouard Marcel Sandoz ;
- collection inconnue ;
- collection Henriette et André Bouygues (1905-1998), Maisons-Laffitte ;
- par descendance, collection particulière, Touraine.
Certificat Art Loss Register, Londres, 27 octobre 2025.
Bibliographie :
- Art et industrie, novembre 1934, reproduit.
- Félix Marcilhac, « Sandoz, sculpteur figuriste et animalier (1881-1971) », Les Editions de l’Amateur, Paris, 1993 : classification chronologique, n°1021 p. 249, classification thématique n°1013 OIS8/1933-1, p. 428, œuvre « non localisée », reproduite p. 429.
Expositions :
- Cercle artistique Volney, Paris, mars 1933 ;
- Société Nationale des Beaux-Arts, Paris, avril 1933, n°1890 ;
- « Les animaliers contemporains, hommage à Pompon », Muséum d’histoire naturelle, Paris, janvier à mars 1934 ;
- « Les animaliers », Galerie Malesherbes, Paris, 1934 ;
- « Les animaliers de Paris, rétrospective Sandoz », Cercle artistique naval, Anvers, 1935 ;
- « Les animaliers de Paris, rétrospective Sandoz », Vaux Hall, Londres, 1935 ;
- « Les animaliers de Paris, rétrospective Sandoz », Cercle artistique Volney, Paris, 1935.
Le grand-duc totem de Sandoz
Le grand-duc est l’animal fétiche d’Edouard Marcel Sandoz, qui réalise son premier portrait d’animal en 1908, alors qu’il attrape un petit hibou lors d’un voyage en Sicile. Le rapace nocturne devient le sujet le plus représenté dans le corpus du sculpteur. Contrairement à d’autres artistes animaliers, hantant les zoos à la recherche de bêtes sauvages en captivité, Sandoz puise, lui, son répertoire dans l’observation d’animaux indigènes et pacifiques, dont il souligne la bizarrerie de la silhouette, la cocasserie de l’allure où, comme ici, la gravité de l’attitude.
Le Suisse prend alors une triple direction qui désarçonne la critique française : synthétisme, réalisme et modernité. Il faudra attendre 1922, et l’envoi de l’Ours polaire de Pompon au Salon d’Automne, pour que la vision novatrice du jeune Helvète soit enfin reconnue, à une époque où la bosselure dominait encore.
Sandoz réunit autour de lui un cercle d’artistes animaliers, français et étrangers, qui exposent à partir des années 1930 dans la galerie d’Edgard Brandt. Après la fermeture de celle-ci en 1934, il en reprend la direction, avec le soutien de la banque Meyer, et la rebaptise Galerie Malesherbes. Les meubles de Leleu, les luminaires de Perzel, les laques de Dunand et les ferronneries de Subes y offrent un écrin idéal pour ses amis artistes : Petersen, les frères Martel, Guyot, Hilbert, Chopard, Margat
A cette période, Sandoz fait évoluer son style d’une figuration stylisée vers une figuration plus réaliste, multipliant les œuvres autour d’un même sujet comme autant de témoignages quasi photographiques. On recense ainsi une dizaine de modèles différents de Grand-Duc entre 1932 et 1935 : tête droite ou retournée, à gauche ou à droite, à l’affût, en couple
Mais c’est cette fonte unique, représentant un Grand-Duc tournant la tête à gauche, qui devient le véritable modèle totem de l’artiste. Il le présente pour la première fois au Cercle Volney en mars 1933, aux côtés d’un pékinois. Les sculptures sont alors si finement exécutées que les visiteurs peuvent presque dénombrer les plumes ou suivre le sens des poils. Cet envoi contraste avec la banalité des œuvres proposées par les sculpteurs officiels, souvent aussi parfaites qu’ennuyeuses (Marcilhac, 1993).
Sandoz expose ensuite ce Grand-Duc au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, puis, après le décès de Pompon, lors de l’hommage organisé au Muséum d’Histoire naturelle de janvier à mars 1934. Ce grand bronze, dont le hiératisme évoque les figures divines égyptiennes dans les ruines de Memphis, trône en haut d’une gaine bien en vue sur les photographies de la toute première exposition des Animaliers à la Galerie Malesherbes. Il intègre naturellement la tournée internationale de la galerie en 1935 : Bruxelles (où le roi des Belges fait Sandoz chevalier de l’ordre de Léopold), Londres, puis Paris.
Cette exposition d’envergure réunit 31 artistes, dont cinq femmes. C’est en réalité une véritable rétrospective Sandoz : il y présente à lui seul un cinquième des 254 œuvres exposées, avec neuf marbres, onze pierres dures, vingt-huit bronzes (dont ce Grand-Duc) et dix-huit peintures.
Redécouvrir aujourd’hui cette sculpture emblématique du maître de la sculpture animalière dont la localisation était jusqu’alors inconnue des spécialistes constitue un véritable événement. Lors de la première grande rétrospective Sandoz, en 1971, à la Cité internationale des arts (quai de l’Hôtel de Ville à Paris), une autre version du Grand-Duc fut présentée, faute d’avoir retrouvé ce bronze.
Adjugé : 190 000 €













